"Dario revient en forme"... "Un retour inespéré"... "Lunettes Noires rassure sur la santé artistique de ce bon vieux Dario"... "Une résurrection"...

La presse, unanime, qui a célébré le retour tant attendu de Dario Argento suite à 10 ans d'absence derrière la caméra, m'avait grandement motivée à découvrir ce fameux nouveau "giallo" orchestré par le Maestro.

Bon, déjà, giallo, c'est vite dit. Si Argento rend ici hommage à son passé avec quelques assimilations envers Le Chat À Neuf Queues ou encore Phenomena (l'aveugle et l'enfant pour le premier et l'animal de compagnie spécialement dressé pour seconder un handicapé dans le second), il s'éloigne considérablement du genre qui l'a fait connaître au tout début des années 1970 pour nous pondre un simple petit thriller comme il en existe déjà des milliers. Le script, pas toujours bien rédigé et bardé de défauts, reste à 100 000 lieues de certaines fulgurances passées du Maître. Reste la réalisation, souvent impeccable, avec quelques plans sublimes de-ci de-là, à l'instar de son époustouflant travail visuel sur Dracula ou encore La Terza Madre. Mais à moins que tous les thrillers horrifiques à l'italienne soient des giallos (ce qui est possible aussi, je n'ai pas la science infuse), il faut néanmoins se rendre à l'évidence que Lunettes Noires n'est en rien comparable au genre édifié par Mario Bava.

Diana, une prostituée, se voit harcelée par un serial killer qui en veut à sa vie. Dans sa fuite, elle provoque un accident où un couple trouve la mort, laissant orphelin Chin, un garçonnet de 10 ans. Désormais aveugle suite à quelques séquelles, Diana héberge l'enfant, se voit épaulée par un chien d'assistance, ainsi que par une spécialiste de l'aide pour les non-voyants (incarnée par Asia Argento ). Mais le tueur n'a évidemment pas dit son dernier mot et veut définitivement en finir avec Diana...

La nouveauté ici reste peut-être la manière dont Argento traite le traintrain quotidien de son héroïne, escort girl de son état, en usant brillamment de psychologie quant à l'analyse de son mode de vie. Spécialiste des portraits dressés à la va-vite malgré quelques spécificités (l'anorexie dans Trauma, la mémoire traumatique refoulée dans Le Sang Des Innocents ou, déjà, la cécité dans Le Chat À Neuf Queues), le cinéaste romain a longtemps négligé cet aspect-là pour favoriser le fétichisme des meurtres et le spectacle haut en couleur du passage de la vie à trépas. Dans Lunettes Noires, les meurtres sont inévitablement brutaux dans leurs conceptions visuelles et auditives avec un montage relativement serré qui s'adapte à une mise en scène énergique. De ce fait, le fétichisme propre au genre n'est plus. Ce qui, à mes yeux, éloigne considérablement le métrage du genre giallo.

Au rythme d'une musique électronique bien vieillotte signée par Arnaud Robotini et qui rend tout autant hommage à John Carpenter qu'à Claudio Simonetti, avec aussi quelques fulgurances techno complètement has been de par les sonorités utilisées, Dario Argento tente de nous démontrer qu'il est encore un jeune homme frénétique et dans le vent. Pourtant, pas grand chose ne fonctionne à l'écran face à de trop nombreuses invraisemblances et quelques raccourcis narratifs qui, en 2023, ne sont plus aussi pardonnables qu'en 1972. La relation entre Diana et Chin, parfois touchante, manque malgré tout d'élégance dans l'écriture pour émouvoir totalement.

Tout n'est pas pour autant à jeter (Argento oblige), mais il faut cependant reconnaître que seule une certaine forme de nostalgie old school pour les premières œuvres du Maestro pousse encore à essayer d'y croire. En vain, en ce qui me concerne.

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le 17 juin 2023

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