Si Lux Aeterna est une commande de la maison Saint Laurent, elle est paradoxalement l'une des œuvres les plus personnelles de son metteur en scène Gaspar Noé. Un film qui parle du cinéma et des craintes liées à l'échec d'un tournage. Pour filmer ce tournage qui parle de sorcellerie, le réalisateur s'adjoint les services des deux grandes comédiennes que sont Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg. Le choix de ces deux égéries YSL est loin d'être anodin, elle effet, le naturel des deux actrices y est pour beaucoup sachant que le tournage réel de Lux Aeterna n'a duré que 5 jours et qu'il fallait de bonnes, très bonnes improvisatrices, jouant par ailleurs leur propre rôle. L'alchimie est bluffante, nous offrant en ouverture 12 minutes d'improvisations à propos de vraies anecdotes de leurs carrières respectives.
Lux Aeterna c'est une montée en puissance d'émotions et de sensations expérimentales chères à Gaspar Noé. Mais c'est aussi et surtout une descente aux enfers chaotique psychologique d'un tournage qui dérape. L'intensité de l'œuvre est prenante et se conclut sur un climax qui déchausse les rétines, grille les ondes cérébrales et plonge le spectateur dans des états propres à chacun. Au choix vous y ressentirez un profond malaise, une sensation de transe intense, voir vous serez hypnotisés ou dans un état de plénitude, peut-être tout cela en même temps. Une chose est certaines, peut probable d'en ressortir indifférent. D'autant que la violence émotionnelle dégagée par Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans cette dernière partie est tout simplement magnifique.
Si l'expérience stroboscopique (variation très rapide d'images et de lumières) fait montre d'une grande maîtrise par son metteur en scène, le film "expérimental" ne s'arrête pas à l'envie de bousculer les émotions du spectateur. Gaspar Noé, en bon cinéphage/cinéphile qu'il est propose une monture filmique tout à fait singulière jouant avec les ratios d'image, le split/screen, la caméra embarquée, les plans séquences, les citations et musiques classiques. Le tout dans un parfait équilibre d'une cohérence redoutable.
En quelques semaines de pré-production, 5 jours de tournage et 50 minutes d'images Gaspar Noé et son équipe accouchent d'une œuvre cinématographique singulière dont l'intensité ne plaira pas à tout le monde. D'un part parce que le film est à éviter pour les épileptiques (vrai avertissement d'avant séance) et d'autre part, tout simplement que l'œuvre est loin d'être tout public.
Cela étant, avec son expérience qui sort de l'originaire, un scénario qui raconte autre chose qu'une histoire trop balisée et cette manière viscérale de parler de la peur de l'échec d'un tournage, Lux Aeterna est certainement l'œuvre la plus atypique de l'année. L'expérience cinéma est quasiment indispensable. A défaut le film est à voir, par acquit de conscience.