Le Lux Aeterna est le nouveau film de Gaspar Noé qui a la chance de bénéficier d’une sortie en salle malgré sa courte durée (50 minutes). Certainement que la période de crise que nous traversons permet à certains films moins bankable de sortir malgré tout. Du coup qu’en est-il?
Parmi les quelques interviews qui sortent sur internet pour accompagner la sortie du film, on y entend Gaspar Noé qui fait le triste constat que ses films qui ont demandé énormément de préparation en amont comme Seul contre tous, Enter the void et Love marchent moins que ceux plus spontanés comme Irreversible et Climax.
C’est un peu dans ce second état d’esprit que s’est créé Lux Aeterna. L’ensemble du film, tournage, montage etc… s’est fait en deux mois. Il s’agit d’une commande de la part de la boite Yves Saint-Laurent qui souhaitait voir un court-métrage mettant en avant ses créations vestimentaires, ainsi que deux de leurs égéries, Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle. Hormis ces contraintes, il a eu carte blanche.
On retrouve ici peu ou prou la même trame scénaristique que celle de Climax, à savoir: un groupe de personne enfermé dans un lieu, travaillant pour un projet artistique, se retrouvant en plein bad trip collectif…
Le déroulé narratif de climax avait le mérite d’avoir un élément déclencheur du chaos plus crédible car chimique et indiscutable, c’est à dire la prise de drogue contre son gré.
Ici, le problème avec ce film vient en grande partie du manque de crédibilité de cette montée du chaos.
Par exemple, pourquoi tout le monde en veut à Béatrice Dalle? On l’accuse de mégalomanie et de folie, or on ne voit rien de tout ça à l’écran. On voit une réalisatrice dans l’attente des autres, qui ne sont jamais prêts, pour d’obscures raisons…
Ou encore, le personnage du producteur demande à un jeune de filmer Béatrice Dalle en permanence, pour pouvoir la virer au moindre écart, et avoir une preuve vidéo. Qui, dans la vraie vie, accepterait un tel rôle? Il est clair que cet élément un peu lourdingue est là pour justifier scénaristiquement la possibilité d’avoir une caméra en plus qui filme les actions.
Car oui, le film se la joue De Palmien et nous propose une multiplication d’angles de vue pour ensuite pouvoir proposer un montage en splitscreen, tentant ainsi de nous faire ressentir le chaos du plateau.
Les choix de mise en scène et scénaristique du film l’éloigne petit à petit du cinéma sensoriel et cauchemardesque qu’on lui connait pour tomber très vite dans un cinéma de cinéphile, qui se délectera de nombreux clins d’oeil cinéphiliques comme des plans fait de textes de citation de ses cinéastes préférés (Dreyer, Godard, Fassbinder…), ainsi que des nombreuses comparaisons qu’on pourrait lui faire (Le splitscreen à la De Palma justement, la comparaison avec la nuit américaine de Truffaut…). Nul besoin d’avoir le moindre bagage cinéphilique pour apprécier pleinement un Seul contre tous ou un Enter the void. Ces films se suffisent à eux-mêmes.
Et ensuite arrive le final du film, qui consiste, (« spoil » pour ceux qui souhaitent rester vierge pendant le visionnage du film même si il n’y a pas de suspens…),
suite à un bug technique, à voir le plateau de tournage être baigné dans une atmosphère lumineuse épileptique. C’est à dire que l’écran de fond qui leur sert de décor ainsi que toutes les lumières (on suppose) se mettent subitement à clignoter de toutes les couleurs, et personne ne pourra les arrêter. Apparemment personne n’est foutu d’aller faire sauter le courant, par exemple. Et curieusement, le chef opérateur s’en délecte parce que c’est un artiste, pendant que tout le monde subit, Béatrice et Charlotte en premier.
C’est gratuit, peu subtil, peu crédible. On dirait que Gaspar Noé s’est dit « merde le spectateur n’a pas voyagé jusqu’à présent, tiens prend ta dose de trip visuel dans la gueule! ».
Vous l'aurez compris, le film peut décevoir par plein d'aspects mais peu importe, il s'agit ici que d'un simple moyen métrage. On attend avec hâte son prochain film!