Yolande Zauberman (Would you have sex with an Arab? - 2012) nous plonge au cœur de l’horreur, un univers baigné dans la religion et où la pédophilie semble avoir la mainmise. M (2019), c’est l’histoire tragique et terrifiante de Menahem Lang, violé dès son plus jeune âge par des membres de sa communauté juives ultraorthodoxe. Dès l’âge de 6ans, Menahem chantait des chants liturgiques et sa voix exceptionnelle faisait le ravissement de Bneï Brak (la capitale de l'orthodoxie juive mondiale). Il se sentait chez lui et aimé de tous, jusqu’à ce que des membres de sa communauté n’abusent de lui et ce, pendant toute son enfance. C’est à l’âge de 20ans qu’il quitte sa communauté pour vivre à Tel-Aviv et devenir acteur. Après avoir reçu de nombreuses menaces en dénonçant les actes dont il avait été victime (à la télévision israélienne), il revient dix ans plus tard sur les lieux du drame.
M (2019) nous replonge dans les tristes souvenirs de Menahem, le film nous immisce au cœur de Bneï Brak, une ville israélienne intégriste où les juifs ultraorthodoxes vivent à l’écart du reste de la population (à l’image de Williamsburg, le quartier orthodoxe à New York). Ce qu’il y a de glaçant dans ce film, ce sont les innombrables rencontres improbables que font Menahem et la réalisatrice dans les rues de Bneï Brak (en plein cœur de la nuit, au détour d’un cimetière, ils tombent sur un juif orthodoxe lui aussi victime de viol au sein de sa communauté et lui-même devenu violeur par la suite).
Tel un road-movie, la caméra s’invite à bon nombre d’échanges et discussions toutes en lien avec le passé de Menahem. On se retrouve même au sein de la synagogue qui a été le théâtre des moments forts de sa foi (de sa circoncision à sa Bar-Mitzvah, de ses premières papillotes à son mariage, de son divorce en passant par… son viol).
Une histoire incroyable qui lève le voile sur une communauté intégriste qui se replie derrière le non-dit. Un monde d’hommes où les femmes sont invisibles. Un monde où l’on enseigne que ce que l’on veut bien y enseigner et où le sexe ne sert qu’à la procréation, donnant lieu à une méconnaissance inquiétante de la sexualité (comme en témoigne cette conversation improbable entre Menahem et deux juifs orthodoxes dont l’un des deux affirme que les femmes n’ont pas de sexe (!) et que, s’il veut bien admettre que les relations gays existent, les relations lesbiennes elles, n’ont aucun sens car dépourvues de sexe).
Un documentaire qui vous glace le sang, où au détour d’une rencontre, d’une phrase, les langues se délient et on découvre ce qui se cache sous la chape de plombe qui semble protéger Bneï Brak (quand on entend dire qu’il y a tellement de viols que les rabbins insistent pour que les enfants aillent aux bains rituels avec leurs pères).
Touchant et édifiant, mêlant dénonciation et réconciliation, impossible d’y rester indifférent.
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