(SPOILERS)
C'est probablement un chef-d'oeuvre puisque tout le monde le dit. Mais je trouve que pour un chef-d'oeuvre, ce film a terriblement mal vieilli. D'accord, l'interprétation de Peter Lorre est éblouissante. C'est juste dommage qu'il ait, au fond, un si petit rôle : le faible nombre de minutes qu'il passe à l'écran ne rend pas hommage à son talent. Pour le reste, il y a certes quelques scènes mémorables : la séquence du début où la mère d'Elsie appelle sa fille, avec une série de plans fixes assez angoissants ; le moment où les mendiants trouvent le meurtrier et lui mettent la main dessus (au sens propre, mais pas encore au figuré) ; et la séquence du procès par les mendiants, où Peter Lorre donne tout loisir à son talent et où Fritz Lang réussit quelques effets de cadrage vraiment spectaculaires. Il y a quelques scènes audacieuses et sans doute novatrices, à défaut d'être habiles : le passage où les mendiants et les flics discutent, chacun de leur côté, de la façon dont coincer le criminel, en alternant les vues sur les uns et sur les autres, est, disons, bien pensé, mais c'est plutôt une impression de confusion que de vertige admiratif qui s'en dégage. Cependant, même en portant ça au crédit du réalisateur, tout ça dure quoi, en tout et pour tout... 10 minutes ? Le reste du temps, il y a énormément de longueurs impardonnables. Les personnages mettent à chaque fois un quart d'heure à enchaîner les répliques et les dialogues sont extrêmement lents - ça, c'est vraisemblablement dû à la dimension "expérimentale" du film, au fait que Fritz Lang maîtrise encore mal les codes du parlant, mais ça n'enlève rien au fait que c'est chiant - ; la séquence où les mendiants cherchent l'assassin dans un immeuble est délayée jusqu'aux limites du supportable, alors qu'on sait très bien ce qui va se passer ; et le film met, dans l'ensemble, beaucoup de temps à rentrer dans son sujet. Ce qui m'amène d'ailleurs à un autre point : le film est globalement assez décousu, avec une première phase où prime la représentation de l'hystérie collective, donc des personnages hystériques, et où on penche parfois vers la comédie, avant d'entrer réellement dans une phase d'intrigue policière, avec une séquence de type "infiltration" comme on dirait aujourd'hui. Le tout maladroitement saupoudré d'éléments épars d'analyse psychologique et de réflexion sociale (au passage, tout le monde dit que c'est un film sur la montée du nazisme, mais alors je ne vois vraiment pas en quoi).
J'ai déjà parlé de la gestion maladroite des possibilités du parlant, mais j'y reviens (oui, mon commentaire aussi est décousu) : il n'y a pas ou quasiment pas de musique, et certaines scènes sont totalement muettes, ou plutôt "silencieuses" (sans aucune musique d'ambiance), ce qui crée un effet qui est oppressif et désagréable sans être immersif. Ce n'est pas du tout le malaise qu'on ressent devant un film quand on est stressé ou inquiet, c'est juste qu'on n'arrive pas à rester accroché dans le film alors que l'ambiance sonore ne nous y aide pas. De ce point de vue, c'est assez mal fichu.
Bref, j'ai trouvé ça plutôt décevant. Fritz Lang a probablement plein de circonstances atténuantes (on est au début du parlant, les codes esthétiques ont changé depuis son époque, tout ce qu'on veut), mais ça n'enlève rien au fait que de mon point de vue de spectateur du 21e siècle, le visionnage s'est révélé plutôt laborieux.