Comme dans le cinéma allemand des années 20, le jeu et la mise en scène sont très théâtraux. On retrouve le jeu des ombres et des formes propre à l'expressionisme comme dans Nosferatu, avec plus de réalisme. Le jeu d'acteur de Peter Lorre, bien qu'on ne le voit pas beaucoup, est parfait dans cette dramaturgie : les yeux souvent écarquillés, les gestes brusques, comme effrayé par les réactions qu'il suscite (comme John Merrick quand une infirmière crie en entrant dans sa chambre d'hôpital).
Je ne peux m'empêcher de comparer ce film à Elephant Man pour la figure du monstre et sa manière d'être présentée à l'écran. En effet, on voit son ombre, puis il est pourchassé, toujours tentant de se cacher (comme J. Merrick dans la gare), miraculeusement sauvé des griffes de la foule. C'est la même déshumanisation par le regard des autres, l'un par son apparence (et son absence de langage pendant un temps), l'autre par ses actes inhumains. Il y a aussi un conflit d'intérêt sur qui le possédera, qui sera le héros qui le fera condamner.
Ce qui est passionnant, et finalement la destination du film c'est cette scène du jugement public, et ce monologue du personnage sur sa malédiction. Car même un être capable d'immoralité la plus haute, c'est à dire violer et tuer des enfants, reste toujours un homme, et son humanité se découvre à la fin, dans le dévoilement de sa conscience. Selon les dires de Fritz Lang, il a fait un film pour avertir que le mal (avec la figure du sociopathe) se cachait souvent sous des visages banals. Mais la portée est bien plus profonde sur la nature humaine : on peut ressentir de l'empathie pour lui. C'est la même chose pour Frankenstein qui noie la petite fille, ou Lennie dans Des souris et des hommes qui tue la femme, comment ne pas avoir pitié d'eux ? C'est au spectateur de déterminer à quel point il joue le rôle de la victime : possédé par ses pulsions, c'est lui qui fuit, qui est pris au piège. Le monstre est toujours plus faible par sa solitude : on est tout aussi inquiété par cette traque incessante qui fait monter le suspense, par la représentation de la psychologie des foules, si facilement emportée, manichéenne et vengeresse. De tous les niveaux d'analyse (comme l'enquête, la montée du nazisme...), la plus intéressante pour moi reste la complexité de rendre justice.