M/other
7.6
M/other

Film de Nobuhiro Suwa (1999)

Un film pur et épuré, profond et étonnamment ouvert à de multiples lectures. Nobuhiro Suwa livre ici une très grande œuvre d'observation qui réalise la prouesse de ne pas tomber dans le travers du voyeurisme ou de la caricature.


Portrait social de la famille japonaise contemporaine, avec ses codes hérités et ses velléités d’émancipation, M/other est aussi bien une réflexion sur la place de la femme en société que sur son rôle de mère au sein d’une structure patriarcale aliénante. Suwa questionne également la notion de famille, sa fragmentation et sa recomposition après un divorce ; le rôle intermédiaire et par définition dégradant du concubinage féminin ; l’insoluble différence entre la mère biologique et la mère d’adoption ; le refus volontaire de la maternité par la femme pour conserver son individualité.


Peinture réaliste à l’extrême de l’unité nucléaire de la société japonaise, M/other dispose d’atouts formels qui en font une œuvre esthétiquement marquante, qui hante après son visionnage. Si je suis d’accord pour dire qu’il y a sur la forme des similitudes avec le film documentaire, tout néanmoins dans le film vient contredire une telle impression : la caméra est volontairement mal mise au point à certains moments, comme pour nous rappeler qu’elle est bien là, avec quelqu’un derrière elle. Une emphase toute cinématographique est faite lors des coupures, à la façon d’une pellicule qui arriverait à son terme et qui serait remplacée par une autre. Ce qui n’empêche pas le travail du cadrage d’être extrêmement élaboré : immobile au départ, la caméra se meut avec une vivacité croissante, jusqu’à atteindre une forme d’étourdissement arrivées les ultimes scènes.


Suwa se distingue aussi sur le plan du scénario. C’est une histoire originale et touchante et qui porte la marque d’une réelle imprévisibilité. Tout comme la contingence de nos vies sociale et amoureuse, M/other reproduit avec une justesse imparable la part incompressible d’irrationalité, de passion (au sens étymologique d’antonyme de la raison) qui infuse toute relation sensible entre deux êtres humains. Un récit largement aidé par ses acteurs, tout bonnement parfaits, qui m’ont totalement happé durant ces deux heures trente d’une expérience sensorielle et réflexive bouleversante.


Œuvre naturaliste à la sensibilité extraordinaire, M/other est un film dont il ressort une prodigieuse vitalité, et une sincérité des plus remarquables. Intimiste mais profondément universel : la marque des très grands.

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le 3 janv. 2021

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grantofficer

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