A quoi sert une comédie musicale ? A être heureux, autant dire : à rien ! Enfin se détacher du dictat de l'utile, de l'efficace, du rendement, du sérieux. Quine, peut-être conscient qu'il n'a ni le génie rythmique d'un Hawks, ni la grâce fragilement ironique d'un Donen, choisit de faire les choses en grand : sans scénario, au moins il ne risque pas de se prendre les pieds dans le tapis. Des couleurs, des formes, des gestes, et rien d'autre. La vague trame de "My sister Eileen" est savamment composée : léger fil de soie à peine tendu, mais pas trop lâche non plus (sinon l'ennui s'installerait !) qui mène d'un morceau de bonheur à un autre morceau de bonheur. Peu de gag, pas de quiproquos, pas de cas de conscience, pas de moralisme mal venu, juste un peu de temps qui passe entre deux orgasmes, pour que demeure vibrant le désir. Nécessité de l'attente, la condition sine qua non du vrai plaisir.

Et au centre de ce dispositif rêvé, l'araignée s'appelle Bob Fosse. Pour un coup d'essai, c'est un coup de génie, tout est là dès la première fois...la grâce des débutants ! Point de jonction entre la "cool attitude" d'un Fred Astair et la crazymania d'un Tex Avery, les chorégraphies de Bob sont un pied de nez permanent à l'académisme ou au conformisme. Chez lui, chaque danseur semble le dernier vivant au milieu d'un monde mort, le seul qui sait jouer avec l'invisible jusqu'à le rendre plus réel que la réalité morne et répétitive. Une lutte qui s'appuie sur la fantaisie pour contrer la pire des punitions : devenir adulte ! Danser, sautiller, faire le dos rond, et surtout, "once again", recommencer encore une fois pour rester le plus longtemps possible dans la merveilleuse candeur des enfants... car les enfants sont les seuls à connaitre la vraie formule magique : Miracle du mot qui entraine le geste et pouvoir du geste qui entraine la joie : "on dirait qu'on serait des marins brésiliens et qu'on ferait une conga géante dans la rue"... CONGAAAA !
Chaiev
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le 5 juin 2011

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