"Macao, l'enfer du jeu" est une curiosité, intéressante comme toute curiosité. Le film de Delannoy a été tourné en 1939 mais, Occupation oblige, ne put sortir car Erich Von Stroheim n'avait pas les quartiers suffisants d'aryanité. En plus, cet acteur, que décidemment j'aime beaucoup, se piquait d'anti-nazisme… Il fut décidé en haut-lieu de remplacer toutes les scènes avec Stroheim par Pierre Renoir. Pour qui connait le film, autant dire qu'on le tournait à nouveau. Bref, il put paraître dans sa forme initiale et normale à la Libération.
Le film n'a évidemment pas été tourné à Macao mais en studio à Nice et, pour les scènes extérieures à Villefranche sur Mer, semble-t-il. Mais je dois dire que l'effet asiatique est assez bluffant, bien au-delà des figurants indochinois probablement recrutés en masse. Que ce soit les scènes de rue grouillantes de monde ou encore les scènes de la salle de jeu, on s'y croirait.
L'histoire n'est pas si simple puisqu'elle est basée sur une double intrigue. D'une part entre un officier de marine, trafiquant d'armes et une danseuse de cabaret. D'autre part, entre un journaliste et la fille, innocente, d'un chef de la maffia locale, à son insu. Bien entendu, tout ce beau monde va s'interpénétrer.
Les acteurs :
Erich Von Stroheim dans le rôle d'un officier de marine qui trafique à droite et à gauche pour subsister, ici dans les armes pour fournir à un belligérant du conflit sino-japonais, est comme toujours impressionnant même quand il ne parle pas. Sa présence en impose. Sa façon légendaire d'avaler cul-sec les verres d'alcool font partie du personnage. Je pense toujours à l'expression '"s'en jeter un derrière la cravate" quand je le vois faire.
Le personnage Mireille (Mireille Balin) s'est fait rafler au cours d'un combat de rue à Canton et est sauvé in extremis par Stroheim qui l'amène sur son bateau. Elle y est logée luxueusement et Stroheim lui offre une superbe robe de soirée. Il s'ensuit une très belle scène où Mireille Balin, au vu de toutes ces attentions de la part de Stroheim, se prépare naturellement à "passer à la casserole" comme on dit vulgairement. Surprise, Stroheim, grand seigneur, lui marque le respect dû à une dame et se retire. La belle Mireille Balin a quitté sa défroque de femme fatale (Pépé le Moko, Gueule d'amour) pour un rôle plus touchant et plus subtil de femme "aventureuse" (pas mieux comme adjectif) qui découvre qu'on peut l'aimer pour elle-même.
Au final, "Macao, l'enfer du jeu" n'est certainement pas le meilleur des films de Delannoy. Le montage des scènes est notamment perfectible notamment en ce qui concerne les transitions. L'enfer annoncé dans le titre ne m'a non plus paru si infernal que ça. Mais les décors, l'ambiance et surtout le couple Stroheim/Balin vaut le déplacement.