Totalement hypnotisé par ce voyage en animation stop-motion dans un univers fantastique et horrifique au sens parfois obscur, grouillant de détails tous plus dégueulasses, angoissants et fascinants les uns que les autres. Phil Tippett, directeur d'effets visuels réputé pour son travail sur des films comme Star Wars, RoboCop, Starship Troopers, Jurassic Park, Piranhas et dans une moindre mesure Howard the Duck, s'est embarqué dans ce projet pharaonique il y a plus de 30 ans (avec de nombreuses péripéties, avec abandon et reprise). Le résultat est en tous cas passionnant, et l'immersion dans ce monde en ruines produit un effet sidérant.
Mad God est avant tout adressé aux amateurs de bizarreries horrifiques, et ces 80 minutes dépourvues de dialogues trouvent leur intérêt dans la richesse des décors aux détails foisonnants. Le scénario se positionne au niveau d'un point-selle, minimal et maximal, minimal de par l'absence volontaire d'explicitation et de contextualisation, maximal de par l'ampleur de l'histoire qui se déroule progressivement, avec quelques répétitions et de nombreux sursauts chaotiques. Quelques faiblesses toutefois : un certain côté répétitif, à travers la récurrence des opérations de ces missionnés à l'exploration, ainsi que l'intégration assez moche de personnages réels joués par de vrais acteurs, en contraste net avec l'ensemble.
Mais c'est bien peu de chose en regard de la bizarrerie générale, investie avec assurance, faite de paysages et de monstres tous captivants. C'est un film expérimental qui ne se laisse jamais déborder par ses excès, avec un côté glauque et foisonnant vraiment maîtrisé, en prise directe avec l'imaginaire gore des années 80. La dimension mystérieuse du voyage alliée à l'angoisse sourde qui traîne constamment, quand bien même il n'y aurait rien de fondamentalement nouveau dans le fond, débouche sur une œuvre de grand barjot — difficile d'imagine le nombre (de milliers) d'heures qu'il aura fallu pour atteindre ce résultat. D'un côté, sans véritable trame narrative hormis la mission de ces bonhommes à mallette, on se retrouve happé par ces tableaux de destruction et ces environnements de chair et de métal. De l'autre, de cette apocalypse horrifique d'où surgit de temps à autre une créature abominable ou même un tank, émerge un final résolument explosif, un big bang originel provoqué par une larve réduite en poussière métallique (oui oui) dans un accès expressionniste et abstrait sorti de nulle-part.
On se perd dans cet océan de symboles bizarres et de fragments d'horreur avec beaucoup de plaisir, sans forcément tout appréhender avec précision jusque dans les moindres détails mais avec une cohésion d'ensemble remarquable.
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