Pour les impies, Mad Heidi c'est simplement une farce potache suisse où la jeune fille des montagnes déverse des litres de sang et de blagues à base de clichés helvétiques. Mais pour moi, le cinéphile suisse, c'est bien plus. Beaucoup plus. Certes j'y fait un caméo, certes j'y ai investi quelques francs, mais il ne s'agit de loin pas que de ça. Avec son système de financement, son ambition et son culot, le film a tout pour donner un bon coup dans le ventre de l'industrie cinématographique suisse. Mais je ne suis pas là pour tout expliquer cet énorme bazar mais pour critiquer l'oeuvre en elle-même. Toutefois, si vous voulez en savoir plus sur la genèse du projet, je vous invite à jeter un oeil à ma vidéo dédiée au sujet, probablement la plus complète sur le marché si j'ose dire (avec interviews exclusives, coulisses de tournage, etc) :
https://www.youtube.com/watch?v=YcTitKAWJJ0
Je ne vais pas y aller par 4 chemins : pour ce qu'il est, le film est réussi. L'équipe de production a clairement livré ce qui nous avait été promis, à savoir une série B crado, à l'esthétique kitsch à mourir, pimentée par des répliques dignes des grands actionners du siècle dernier et des visuels complétements dingues. C'est fun, rafraichissant et contraste fortement avec le cinéma "classique" de ma patrie (hormis les corps nus qui sont quand même très répandus).
J'ai néanmoins quelques réserves concernant le scénario que je trouve bien trop inégal. Le premier acte est trop long tandis que le 2ème et le troisième, plus dynamiques, filent à la vitesse de l'éclair. Il faut aussi dire que le début est assez répétitif et est clairement une conséquence du deuxième gros problème que j'ai avec Mad Heidi : le budget se ressent en termes d'écriture. On remarque que les réalisateurs n'ont pas pu tout faire ce qu'ils auraient voulu par manque de moyens. Les scènes d'actions sont souvent trop courtes contrairement aux scènes de dialogues parfois trop lentes ou ennuyeuses. Alors oui le film a coûté un peu plus de 3 millions de francs, ce qui est misérable vu l'ambition du projet, et oui il faut quand même avouer que le résultat final impressionne. Certains diront cependant que certains aspects scénaristiques ou effets spéciaux foireux sont clairement un hommage au vieux cinéma de genre, argument que je partage à 50%. Il faut néanmoins garder un minimum les pieds sur Terre : il a fallu rogner les coûts.
Est-ce que cela ruine l'ensemble du film pour autant ? Pas du tout ! Les blagues sur les clichés suisses fonctionnent toujours avec grande efficacité tandis que les plaisanteries plus visuelles font tout autant mouches (grosse déception cependant pour le look de Dame Helvetia que je trouve particulièrement fade). Les effets pratiques ne sont pas en reste et garantissent moultes giclures de sang et maquillages dégoûtant. Pas de doute, on est bien dans du cinéma d'exploitation à la vieille école. Et ayant moi-même joué un cadavre dans le film, je peux affirmer que le sang sur ma tête et la tripaille d'animaux à mes côtés faisaient parfaitement illusion. Ce qui faisaient aussi illusion étaient bien-sûr aussi les performances des acteurs qui livrent tous une prestation des plus efficaces, qu'il s'agisse de l'excellent Max Rüdlinger dans le rôle du grand méchant Commandant Knorr ou de la splendide Alice Lucy dans le rôle d'une Heidi plus badass et sexy que jamais (simplement dommage de ne pas avoir casté une actrice suisse pour le rôle). On regrettera néanmoins que cette dernière n'est pas tant que ça responsable de la révolte du peuple suisse qu'on nous avait vendu bien avant la sortie du film mais juste un élément de cette dernière. On ne pourra en revanche pas lui reprocher ses impressionnantes scènes de combat, notamment l'affrontement final contre le Neutralizer, un guerrier casqué monstrueux dont le combat m'a rempli d'une joie profonde (aisément ma scène préférée de toute le film).
On retiendra aussi une grande variété de magnifiques décors suisses, qu'ils soient pré-existents ou fabriqués pour l'occasion (les ayant vu en personne, c'est du bel artisanat) ou d'une bande-son démentiel, probablement la plus grosses surprise du film.
Vous l'aurez compris : j'aime vraiment Mad Heidi pour ce qu'il est. Un petit film fun, sans prise de tête, qui sait s'amuser et comment amuser les autres. Le plus grand film suisse ? Certainement pas ! Le plus culotté ? Probablement pas ! Mais il réussit quelque chose d'encore plus grand : générer de l'espoir. L'espoir pour des créateurs de pouvoir s'éclater avec une caméra et de pouvoir raconter l'histoire qu'ils ont soigneusement mijotée dans leur esprit tordu. Mad Heidi, c'est le possible avénement d'une révolution filmique. L'aube d'un retour au source, avec des films fous avec de petits budgets. L'ouverture d'une grande porte dans un milieu aussi élitiste et cruel. L'espoir je vous dis ! Et c'est avec cette pensée que j'ai quitté la salle de projection, ému, en me disant qu'ils ont enfin réussi et qu'il y a de l'espoir pour le cinéma suisse, car oui, nous aussi les Helvètes ont peut botter le cul de l'industrie du film !