J'ai enfin complété la filmographie principale de Park Chan-wook, pour le moment en tout cas. (À savoir, les longs métrages dont il est le seul réalisateur.) Mademoiselle, bien que non-exempt de défauts, est à mon avis un de ses meilleurs (mon 3e préféré). Il allie sa forme toujours très bien travaillée avec un fond assez conséquent, même si certains de ses choix peuvent un peu porter préjudice à son impact général.
La première pensée notable qui me soit venu assez rapidement durant le visionnage fut "putain, c'est beau". Le film est esthétiquement très plaisant, que ce soient le décor méticuleux de la maison ou le retour de Jo Yeong-wook qui nous pond une nouvelle bande son magnifique. Une bande son qui joue un rôle clairement non-négligeable dans l'impact émotionnel du film à mon avis. Jo Yeong-wook est un décidément un atout capital pour les films de Park Chan-wook. (Je recommande en particulier les morceaux Wedding et My Tamako, My Sookee).
L'intrigue est aussi assez agréable à suivre, entre la relation attachante des deux héroïnes et les twists qui ont bien réussi à m'accrocher.
Après le visionnage, je suis allé lire plusieurs critiques sur SC, dont un nombre significatif était plus sévère que moi dans leurs jugements. Cependant, je dois reconnaître qu'elles apportaient certains reproches pertinents que je n'avais pas notés.
=== Attention Zone Spoilers ===
(oui, je pourrais utiliser les balises, mais ça fait 7 pâtés noirs à la suite et ce n'est pas top en expérience utilisateur pour la lecture)
En effet, la richesse du film prend un peu un coup à partir de la deuxième partie de l'histoire. Le film se finit en happy end un peu facile. Certains réprimandent aussi certaines scènes assez gratuites, comme celle de torture ou certaines de celles de sexe qui perdent de leur charme au fur et à mesure.
Après, pour moi aucun de ces reproches ne sont rédhibitoires. Ça doit être mon côté fleur bleue, mais j'aime bien quand ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Du coup quand le film me donne ce que je veux, même si ce n'est pas forcément ce qui était la meilleure option, je ne peux pas m'empêcher de ne pas être totalement impartial. (De plus, si le spectateur est en manque de tragique, il peut trouver de quoi se satisfaire dans le reste de la filmographie de Park).
Certes les deux dernières scènes d'intimité sexuelle entre les deux protagonistes (sur quatre de mémoire, si on compte la scène de ponçage de dent) sont un peu élongées et gratuites, surtout la dernière qui était intégralement omettable. Pour autant, elles n'ont jamais franchi le Rubicon du mauvais goût à mes yeux (et j'ai pourtant la gâchette facile sur ce point). Je pense que ça aurait pu être bien plus problématique si le film avait échoué à bien construire la relation des deux compagnes, qui leur infuse suffisamment d’intimité pour ne pas être reléguées au simple plan de fan-service douteux.
Quant à la scène de torture, elle ne m'a pas particulièrement dérangé, et même plutôt amusé. Là aussi, Park Chan-wook aime bien pousser au maximum et faire l’équilibriste à la lisière de la vulgarité, mais il réussit à ne pas perdre sa balance. Bien que je sois généralement friand de la brutalité des films sud-coréen, ce n'est pas comme si je laissais tout passer non plus, je n'avais pas du tout apprécié J'ai rencontré le Diable que j'avais trouvé totalement gratuit et non-justifié pour le coup. Par ailleurs, cette scène en question, même si assez facultative, permets de répondre quelques questions et de confirmer le happy ending, vu qu'avec le vieux sadique dessoudé elles devraient être tranquilles, en tout cas sur ce front. (Pour moi, le plus perturbant dans ce passage c'est la pieuvre, surtout quand on repense à certaines des estampes vues plus tôt).
Enfin bon, c'est Park Chan-wook quoi, il aime bien la violence exubérante et glisser au moins une petite scène de cul dans la majorité de ses films même quand ce n'est pas forcément nécessaire, ce qui a un effet variable selon les cas.
Dernièrement, j'aimerais aborder les retournements de situations. Comme les rimes, ces derniers peuvent avoir différents niveaux de richesses selon leur exécution. À mon avis, ceux qui ne dupent jamais directement le spectateur, c'est-à-dire en lui mentant temporairement pour l’empêcher de se douter de l'arnaque, même si la narration peut bien sûr induire des suppositions erronées, sont du meilleur goût. C'est aussi préférable si une fois qu'on a les nouvelles informations, la cohérence de l'intrigue ne s'effondre pas dramatiquement sur elle-même. Cet ensemble de caractéristiques forme un cas de figure malheureusement bien trop rare (je ne vise personne, n'est-ce pas Fight Club).
En l'occurrence, même si le film pourrait tenter d'argumenter devant le jury qu'il ne nous a pas techniquement menti, l'omission de certaines informations est tellement lourde et sélective qu'on ne peut plus être sur de la rime riche. Le premier twist est vraiment puissant, mais il perd rétrospectivement de son impact vu qu'on apprend qu'il nous a bien arnaqués avec le second. Je m'accorderais donc pour dire que ces retournements de situations en question sont de qualité suffisante. Globalement, ils restent engageants et agréablement surprenants.
=== Fin de la Zone Spoilers ===
(J'arrive sur la fin, et diantre, je ne m'attendais pas à pondre autant de texte pour cette critique.)
En somme, Mademoiselle est donc un film beau et touchant. Il souffre de quelques limites certes, mais celles-ci ne m'ont pas vraiment tant dérangé que ça. Par ailleurs, il reste superbement exécuté que ce soit son jeu d'acteur, sa direction, ses visuels ou son expérience émotionnelle.
Verdict : 8.5 – Très bon film