Mademoiselle par kinophil

Superbe film qui aborde de façon frontale, sans "psychologisme", les thèmes du désir et de la frustration, de la xénophobie et de la chasse au bouc émissaire, et porte en lui le talent de cinéastes comme Hitchcock ou Bunuel et la qualité et la force de films comme "Belle de Jour", "Scènes de chasse en Bavière" ou "Le Boucher" de Jean Yanne.. On y trouve un personnage central riche de sa complexité, névrosé et sexuellement refoulé, personnage vicieux, pervers et sadique, marqué par un sentiment de désir et de haine à l'égard des hommes. Et d'abord à l'égard de ce bucheron italien pour qui elle nourrit un désir profond et dont elle observe en secret le corps et les gestes, lorsqu'il vient aider les villageois à sauver leurs habitations des catastrophes qu'elle a provoquées. Et cependant, éprise jusqu’à la folie de son amant, elle laissera les villageois l’accuser. Attitude perverse aussi à l'égard du fils de cet italien, qu'elle va inciter à venir à l'école, pour ensuite mieux l'humilier et entretenir avec lui une relation vicieuse. La mise en scène traduit, avec une intense subtilité, la perversité de l’héroïne. Le film séduit aussi par sa rigueur formelle, autant par la qualité de l'image (magnifiquement filmé, noir et blanc profond, construction très rigoureuse des plans) que de la bande son (silences et bruits de la nature). La direction d’acteurs est remarquable, avec une Jeanne Moreau qui révèle de superbe manière les détails d’un personnage complexe. Un chef d'oeuvre pas loin de la perfection.