Partagé entre mon ras-le-bol grandissant pour les biopics hagiographiques (au choix, le dernier pensum consacré dans tous les sens du terme à l’abbé Pierre) et mon envie de découvrir ce film consacré à ce génie de Léonard Bernstein, j’allais un peu en traînant des pieds voir ce film. Mon tiraillement fût très rapidement oublié dès les premières minutes du film car le film de Cooper est une vraie réussite.
Maestro est le récit de l'amour grandiose et téméraire qui unira toute leur vie Leonard Bernstein et Felicia Montealegre Cohn Bernstein. Ode à la vie et à l'art, Maestro brosse le portrait émouvant d'une famille avec l'amour pour partition.
On voyait rarement ces derniers temps de films ‘Waouh’ sur les écrans. Il y avait de bons films, de moins bon. Mais rien de vraiment époustouflant. ‘Maestro’ rompt avec cette tendance par sa capacité à magnifiquement filmer la musique en train de se faire, en train de se jouer. A l’instar du récent ‘Tár’ de Todd Fields qui filmait déjà admirablement une cheffe d’orchestre, le film de Bradley Cooper rend brillamment ce que c’est qu’être un chef d’orchestre. Le temps d’une séquence de concert dans une cathédrale, l’acteur-réalisateur fait ressentir la sueur, la joie, la galvanisation que peut ressentir un chef d’orchestre dirigeant ses musiciens.
Bradley Cooper rend un hommage (très mérité) à l’œuvre riche de Bernstein. On entend beaucoup de ses compositions du metteur en scène. On découvre ses comédies musicales très gaies (dans tous les sens du terme, là aussi) composées à l’aube de sa carrière lors d’une séquence digne des plus grandes comédies musicales américaines. Le film a le mérite de nous rappeler qu’il fût un des grands chefs d’orchestre américain mais qu’il fût également un très bon professeur. La scène de cours autour de la huitième symphonie de Beethoven est passionnante.
La première partie du film est assurément la plus réussie. Elle montre le foisonnement artistique, intellectuel et l’incroyable insouciance de Bernstein dans la première partie de sa carrière. Très bien rythmée, elle file à toute vitesse dans un noir et blanc très beau qui peut évoquer les films de la nouvelles vague dans son montage très rapide ou les films New-Yorkais par son côté déréel.
Vers le milieu du film, Bradley Cooper opère un changement assez radical et passe à la couleur. Non pas pour marquer la fin de l’innocence, ou le passage à l’âge adulte. Plutôt pour marquer la fin de l’insouciance. Cette partie est objectivement moins réussie malgré la performance de l’excellente Carey Mulligan. Le cinéaste-acteur oublie un peu l’aspect musical pour se consacrer à la vie privée du compositeur et notamment son mariage à la fois solide et bancal, marqué par les liaisons extraconjugales homosexuelles de monsieur. Cooper regarde l’homme derrière l’artiste selon la trame un peu convenue du « Quel salaud mais quel génie ! ».
J’ai été absolument bluffé par la performance de Bradley Cooper, acteur que je n’ai jamais vraiment pris aux sérieux. Ça n’est pas qu’il joue Leonard Bernstein, ça n’est pas qu’il incarne Leonard Bernstein. C’est qu’il est Leonard Bernstein. Il livre une performance très habitée et on sent à quel point ce projet lui tenait à cœur.
Bradley Cooper n’en néglige pas la mise-en-scène pour autant. Le film me semble briller par son montage, qui a été calibré selon la frénésie qu’a pu être la vie de Leonard Bernstein. En fait les biopics, c’est pas si mal quand ce ne sont pas de purs produits commerciaux destinés à attirer paresseusement un public. Mais quand il y a un metteur en scène derrière et un acteur qui se donne vraiment, c’est vachement bien.