Steven Soderbergh est décidément un cas à part : comme les pionniers du cinéma américain, il est capable d'enquiller jusqu'à quatre films en un an, est aussi à l'aise dans le blockbuster que dans le film intimiste, tout en ayant un succès relativement important depuis son vrai décollage avec "Hors d'atteinte", et se permettant de rafler prix sur prix depuis ses débuts.
J'avoue que c'est plus sa présence sur l'affiche en tant que réalisateur qui m'attirait que le pitch, ou voir du strip-tease masculin, donc j'ai un peu trainé des pieds avant d'y aller et, devant une salle comble composée à 90% de femmes (ce qui ne m'est jamais arrivé en xx années de projections en salle), j'y ai pris un grand plaisir, car ce qu'on croit voir nous est clairement détournée au profit d'une réflexion sur la réussite et la peur d'avancer.
Ici, le strip-tease n'est au fond qu'une devanture pour un jeune homme qui ne souhaite faire que ce qu'il a envie quand il aura assez d'argent, ce qui lui fait cumuler plein de jobs, dont celui de trémousser son popotin devant des donzelles déchainées qui lui glissent leurs billets dans son string.
L'arrivée de Kid est en quelque sorte la jeunesse insouciante, que Mike voit d'un oeil mauvais car il voit en lui les travers qu'il a sans doute connus ; le sexe, la drogue, l'exploitation....
L'histoire est au fond classique, mais ça raconte aussi que cet homme ne peut pas décrocher malgré lui de son boulot de strip teaser car il a besoin de cet argent pour concrétiser son projet, et il s'enferme ainsi dans une spirale infernale, ce qui réjouit en quelque sorte son patron, interprété par un étonnant Matthew McConaughey.
Si les numéros sont assez importants, Soderbergh filme ces corps à la fois comme objets désirables et littéralement comme de la viande qu'on jette à des rapaces affamé(e)s, avec une musique électro assourdissante, et remixant certains thèmes connus (Like a virgin).
Les acteurs sont tous épatants, car en plus d'avoir le physique de l'emploi (ce qui est mon cas aussi, mais dans mes rêves), ils interprètent à leur façon des gens qui n'avancent plus dans leurs vies, qui n'osent plus prendre des décisions, mais Mike va réussir à inverser la tendance, au détriment du Kid, pour les beaux yeux de la soeur de ce dernier, ce qui est assez ironique, car une spirale se crée en même temps que l'autre s'éteint....
La réalisation se veut assez naturelle, mais Soderbergh ne peut pas s'empêcher de créer des effets parfois bidons, comme une scène alternée en rouge et bleu, comme pour signifier l'importance de la drogue, mais ça ne marche pas très bien, et quelques dialogues qui sonnent parfois faux (à ce titre, Cody Horn est vraiment la faute de gout, car elle joue vraiment mal).
Cela dit, ce film, qu'on peut classer comme indépendant (le réalisateur et Channing Tatum ont mis leur argent pour faire ce projet, issu des souvenirs de ce dernier, ancien strip-teaseur), est encore une fois la preuve que Soderbergh est inclassable, allant là où il veut, et tant mieux, car ça donne souvent des films excellents, comme celui-ci !