Magnolia est un film très particulier qui démarre sur les chapeaux de roues avec cette folle introduction à la notion du hasard et l'absurdité qui en découle. Les personnages sont introduits dans un rythme excessivement rapide et bavard qui pourra en désarçonner plus d'un.
Le très bon casting du film nous est donc présenté dans cette tornade d'humanité délirante, un Tom Cruise extrêmement convaincant et touchant en showman et gourou masculiniste d'un programme de séduction ouvertement misogyne. Julianne Moore en femme psychotique éprise d'un riche homme d'affaires en fin de vie, a un jeu qui sonne très juste et nous fournira des scènes assez intenses.
Ainsi que sans doute le personnage le plus humain du lot, Jim Kurring, membre du LAPD incarné par John Reilly, est un flic célibataire au train-train quotidien on ne peut plus banal. Bon chrétien et fatalement trop attaché aux valeurs de son travail, ce bon vieux Jim nous entraîne avec lui dans ses patrouilles chaotiques, mêlées à de de longs monologues sur sa vision de la vie et du rôle que le Christ joue dedans.
Malgré son intégrité apparente, Jim est rempli de doutes, ce qui rend le personnage, à mon sens, très attachant et très humain. "And we move through this life, we should trying do good ... do good ... and if we can do that, not hurt anyone else, well then..." → explosion de la BO
La première partie du film, accompagnée par l'excellente BO est un tour de force qui fonctionne uniquement grâce au talent d'Anderson. Il rend ce chaos d'humanité bavard et éparpillé passionnant. Étant moi-même assez peu friand des films excessivement loquace, j'ai été agréablement surpris par cette maîtrise des dialogues et du rythme.
Puis la musique s'arrête et ce film prend une direction toute autre, la longue introduction des personnages paye et nous prend à la gorge avec une multitude de scènes sans filtres, sans BO et pleines d'humanité. On peut notamment penser à cette poignante scène où nous sommes témoins d'un Tom Cruise plus vrai que nature, déchiré entre rage et sanglots, au chevet de son paternel. Quintessence de son rôle et de son personnage, cette scène est d'autant plus belle lorsqu'on sait qu'il avait lui-même des relations très conflictuelles et houleuses avec son père. Bien que le jeu d'acteur soit sans discussion l'une des forces de ce film, la mise en scène et la façon dont le film est ficelé transcende grandement l'expérience.
Mais voilà, ce film a de très bons arguments pour lui, mais son dernier volet ne m'a pas du tout convaincu.
Les sentiments fragiles et sincères des personnages sont interrompus par une pluie de grenouilles (très bien mise en scène ceci dit), référence directe à la Bible, elle lave les personnages de leurs péchés et se permet même d'en châtier certains.
Cette humanité imparfaite, belle, pleine de doutes et d'incertitude qui jusque là, selon moi, était le propos du film, s'évapore complètement pour laisser place à un happy ending hollywoodien très pieux où Jim Kurring, porte-parole et messie de cette spiritualité va guider les autres vers "le droit chemin".
Je n'ai pas du tout aimé cette façon de clôturer le film, elle neutralise complètement le développement des personnages et nous emmène malgré nous dans les convictions très mystiques et personnelles du réalisateur.
Magnolia reste un film très surprenant qui, à l'image de la fleur, nous offre plusieurs pétales/personnages à qui s'identifier sous cette tige commune qu'est l'humanité, bonne comme mauvaise.