Je me réjouissais de découvrir le dernier film de Patrice Leconte, une adaptation de Simenon de surcroît. Grand amateur des adaptations au cinéma de l’œuvre de Simenon, je garde de grands souvenir du ‘[Le] Chat’ de Pierre Granier-Deferre ou du ‘Betty’ de Claude Chabrol : l’ambiance, la noirceur humaine. Je garde également en mémoire l’interprétation inoubliable de Jean Gabin dans les adaptations de Maigret par Delannoy. Enfin, j’admire beaucoup l’éclectisme de Patrice Leconte. Des comédie cultes ‘Les Bronzés’ ou ‘Viens chez moi, j’habite chez une copine !’ aux plus sérieux (quoique) ‘Ridicule’ ou ‘Tandem’ jusqu’aux délicieux ‘Confidences trop intimes’ découvert récemment, sa facilité à naviguer entre les genres m’impressionne.


Maigret est donc l’adaptation de ‘Maigret et la jeune morte’ de Simenon. À Paris, dans les années 1950, le corps d'une jeune femme est retrouvé dans le 9e arrondissement. La victime est vêtue d'une robe de soirée mais sans sac à main. Le commissaire Maigret et ses hommes sont chargés de l'enquête et tentent de découvrir l'identité de la jeune femme. La veille, elle aurait loué sa robe dans une boutique du quartier.


Le Maigret version Leconte est plus sombre que le Maigret de Gabin. Il est plus noir, presque sur la descente. Il a des problèmes de souffle et arrête de fumer (ou peut-être un clin d’œil à aujourd’hui). Cette affaire de jeune morte de 20 ans lui rappelle son trauma : la perte de sa fille. Depardieu interprète un Maigret fatigué et même lessivé. On a l’impression qu’il réalise son enquête machinalement en fonçant dans le tas. Ce Maigret est moins bourru que celui de Gabin, mais plus tendre ou plus sentimental.


La grande réussite du film est d’avoir su rendre l’ambiance aussi noire. L’image est assez embrumée, sombre, anxiogène. La musique de Bruno Coulais distille aisément et à bon escient une anxiété bienvenue. L’époque est resituée avec soin mais avec sobriété. A part les décors intérieurs et les voitures en extérieure, Leconte n’abuse pas des moyens (peut-être n’en a-t-il pas eu tant que ça). Mais en plus de cela, Leconte fait le choix étonnant de la couleur. Étonnant, car les enquêtes de Maigret sont tellement ancrées dans leur époque. Pourtant, la couleur crée un joli hiatus et ne crée pas la distance qu’aurait instauré un noir et blanc.


Parlons évidemment des interprétations. Depardieu est un Maigret exceptionnel. Il lui apporte sa bonhomie et sa corpulence et s’instaure dans la lignée de l’interprétation des Jean Gabin et des Bruno Cremer. Patrice Leconte a choisi avec soin ses acteurs. Mélanie Bernier joue drôlement une actrice de seconde zone, Aurore Clément joue une épouvantable marâtre avec brio, et dont le talent culmine lors de la révélation finale. Patrice Leconte dirige les comédiens et les figurants et les pousse à des interprétations assez théâtrales qui rappellent les interprétations gouailleuses des films des années 50.


Maigret est donc un solide film à l’ancienne qui nous rend nostalgique des films en noir et blanc de l’époque. Leconte se place dans la continuité des polars de l’époque et ne démérite pas. On passe un très bon moment.

Noel_Astoc
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le 11 févr. 2022

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Noel_Astoc

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