Elle aurait eu 20 ans, elle aussi

L’affiche ne laisse aucune place au doute. Patrice Leconte nous propose une enquête du commissaire Maigret (personnage au centre de pas moins de 75 romans et 28 nouvelles de Georges Simenon), avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre. Et même si on n’attendait pas spécialement l’acteur dans un tel rôle, autant dire qu’il s’en sort bien. Son physique (stature) détonne un peu par rapport à ceux de ses prédécesseurs dans le rôle (Harry Baur, Jean Gabin, Bruno Cremer et Jean Richard pour citer les plus marquants), mais on s’y fait aisément. Le réalisateur trouve même une jolie occasion de jouer avec les habitudes du personnage, puisque Maigret donne une amusante petite leçon technique sur comment fumer la pipe. Patrice Leconte ne se contente donc pas d’adapter une histoire solide, il y imprime une patte personnelle et fait en sorte que son film procure une réelle satisfaction au visionnage. C’est tout à son honneur, sachant qu’avec son expérience (plus de 30 longs métrages à son actif dont Tandem (1987), Monsieur Hire (1989) et Le mari de la coiffeuse (1990) pour citer ses meilleures réussites), Patrice Leconte n’a plus rien à prouver. Par contre, même s’il me semble avoir lu Maigret et la jeune morte (1954) le roman qu’il adapte ici, mon souvenir est trop lointain pour apprécier le degré de fidélité de l’adaptation. A vrai dire peu importe, puisque nous avons droit à une enquête avec ses hésitations, progrès et révélations apportant son caractère à l’ensemble.

Il faut souligner le soin particulier apporté à l’atmosphère générale. Nous sommes dans Paris et, si l’aspect reconstitution d’époque ne constitue pas le point fondamental du film, beaucoup de détails (lieux de tournage notamment), dénotent un travail de qualité. On remarque aussi tout ce qui tourne autour du commissaire, que ce soit sa méthode de travail (il ne pense pas, il observe ; ce que Depardieu rend parfaitement), sa façon de vivre (plusieurs scènes chez lui, avec sa femme), mais aussi tout ce qui le rend humain (son rapport avec la jeune Betty, interprétée par Jade Labeste), et même ses états d’âme, car à plusieurs reprises on le sent fatigué, plus ou moins au bord de la déprime (manque d’appétit notamment). On apprend surtout quelque chose qui lui apporte une réelle fragilité, avec ce souvenir qui remonte loin et qui n’est que sous-entendu, qui éveille certainement la tendresse qu’il éprouve pour Betty, même s’il l’utilise comme appât, sans s’en cacher. Tout justifie la concision du titre, sans rien enlever à la manière Simenon.

Cosigné Patrice Leconte et Jérôme Tonnerre, le scénario est un point fort du film, puisqu’il ménage le suspense sur l’essentiel de façon très astucieuse. En effet, le début nous montre celle qui va mourir, mais sans trop nous donner d’informations sur le pourquoi ou le comment (bien entendu, sa triste fin n’est pas montrée), ni sur qui elle est, tout en donnant suffisamment d’indications pour suggérer quelques pistes. Bref, nous sommes un peu dans la même situation que Maigret qui ne sait rien de cette jeune morte. D’ailleurs, on va comprendre au fil des informations obtenues, que les circonstances de sa mort ne sont pas évidentes. Quant au mobile, il reste également bien flou. Tout cela permet à Patrice Leconte de réaliser un film d’atmosphère où le soin apporté à l’image et à la mise en scène donne un résultat de qualité. A noter également le goût du réalisateur pour les acteurs/actrices, puisqu’au casting figurent Aurore Clément dans un rôle qui lui convient parfaitement, Anne Loiret dans le rôle de madame Maigret, ainsi qu’André Wilms et Elizabeth Bourgine qu’on retrouve avec plaisir.

Electron
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le 26 févr. 2023

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