Les films de Valérie Donzelli (" La reine des pommes" / "La guerre est déclarée") sont comme des coffres au trésor dans lesquels on se plonge pour trouver de petits bonheurs enfouis (les gestes qui se répètent, la danse, les couloirs interminables, la chanson en langage des signes), des moments de grâce, d'audace (comme se déshabiller devant le ministre de la culture pour lui "rendre tout ce qui est à [lui]).

Les coffres au trésor qu'elle construit film après film, l'univers onirique qu'elle déploie est peuplé par les mêmes figures amies voire la même muse (Jeremie Elkaïm) et les mêmes ingrédients: musiques choisies avec soin pour coller à l'univers foutraque et décalé que propose Donzelli qui imprime sa marque énergique et pas prise de tête depuis maintenant trois films. Mais le problème avec les coffres au trésor c'est que bien que convointés (j'attendais la sortie de "main dans la main" depuis longtemps) et remplies de pépites, ils sont aussi un peu en foutoir et on prend des chemins parfois un peu sinueux voire complètement à côté pour s'y rendre.

C'est donc un bilan contrasté du film de Donzelli que je ferais. A la fois, comme toujours, c'est d'une énergie folle, communicative, d'une bonne humeur transcendante hors de toute niaiserie et c'est un film qui dit oh combien le ridicule ne tue pas, l'amour est un "bordel innomable", les gens se choisissent sans trop savoir comment ni pourquoi, par cet attachement indéfaisable dont il faut pourtant tenter de se détacher. La trouvaille est cinématogrpahiquement magnifique, à savoir de voir deux être contraints par instant de faire les même gestes, d'aller dans la même direction sans même comprendre, savoir, déterminer s'ils en ont envie. Il y a quand même quelques longueurs et des instants un peu mous dans le scénario qui ternissent la joie générale.

Mais surtout le film parle du détachement, de la nécessité aussi d'être plus fort à deux tout en étant émancipé à la fois. C'est une belle leçon de vie encore une fois, cette énergie, cette volonté et ce choix du rire que fait Donzelli au travers des fêtes où tout le monde s'embrasse qu'elle filme mieux que personne. Sur ce détachement mais aussi sur l'attachement elle dit beaucoup et elle murie dans ce film. En faisant d'Elkaïm son frère et non plus son amant, elle montre ici aussi comment nait la création, de quels personnages délirants on s'inspire pour trouver des doubles pourtant toujours contraire, des moteurs, des figures, des leit motiv. La musique, cet homme-muse et les voix qui se mêlent (avec la voix off qui fait de Donzelli une conteuse) avant que dans le générique s'élèvent deux voix qui chantent, mal comme dans "La guerre est déclarée" mais qui disent la volonté d'être ensemble et de montrer que "qu'importe le ridicule si tu m'escorte". Certes ce n'est plus la même Valérie qui donne dans le duo avec Elkaïm mais il reste sûr que ce duo créateur de joie, de sourire, de course folle, qui fille à toute allure comme Joachim sur son skate board (donnant la part belle aux seconds rôles) c'est que nous avons là un double inversé côté joie du couple qui écrit à deux. Comme Jaoui et Bacri, Donzelli et Elkaïm font des films qui leur ressemblent et qui nous touchent parce qu'ils transmettent de l'universel et une chose des plus fortes: la volonté toujours de se lancer dans la vie comme dans une danse : avec grâce, énergie, puissance et originalité bref le besoin tout simplement d'être vivants ensemble avec cette petite pointe de détachement qui permet de s'affirmer, d'être soi, de ne plus attendre que la vie passe.

Et quand on referme le coffre au trésor de Donzelli, on se dit qu'il y a encore beaucoup de rangement à faire mais que les pépites (comme celles du chocolat) se dévoilent peu à peu et nous laissent la saveur d'une énergie inépuisable qui sait rire d'elle-même et avoir une tendresse pertinente associée à un regard qui l'est tout autant sur ceux qui nous entourent aussi atypiques soient-ils.... Un petit trésor un peu décevant qui reste délicieux.
eloch

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