Ah ça, il y en aura eu cette année de l’attrape-bobos (Take shelter, Louise Wimmer, The we and the I, Camille redouble, Tabou, Les bêtes du sud sauvage…), des espèces de genre de sorte de style de films exagérément plébiscités par une critique devenue folle (au moins s’est-elle un peu calmée sur celui-là), affichant un enthousiasme replet qui cache mal un désarroi professionnel ou des problèmes conjugaux ou des troubles érectiles ou que sais-je encore. Il en fallait donc un avant la fin du monde, un piège à cons, et c’est le machin-bidule de Donzelli qui s’y colle avec l’allégresse d’un bizut prêt à se faire enfoncer trois tonnes de Smarties dans le cul. En même temps, c’était couru d’avance, ça sentait le caca à la mode (à prononcer avec l’accent anglais) à pleins naseaux et jusqu’à Néchin au moins.
Tout fait factice dans Main dans la main, tout fait artificiel (même les dialogues), tout est calculé, tout est maniéré, tout fait toc et tout fait chier. Le film prend la pose, sans gêne, genre "Tu me vois là, faire la cagole branchouille qui veut niquer le cinéma français ?" : fausses digressions, fausse audace, emprunts simplissimes à la Nouvelle Vague, fantaisie de mes deux, B.O. qui ressemble à la playlist Deezer désespérément hype d’un DJ frustré, refoulé du Buddha bar, du prochain Dolan ou Honoré. Si cette griffe "dans l’urgence", gentiment bordélique, avait pu faire grande impression et tromper l’ennemi dans La guerre est déclarée, elle devrait, logiquement, ne plus berner personne ici, révélant ses limites étriquées et déjà dépassées.
Il y a bien quelques scènes réussies (la course-poursuite dans les couloirs de l’Opéra Garnier, Elkaïm mimant les paroles de The man I love en langage des signes, Lemercier qui se met à nu, littéralement, le final à New York…), mais franchement, on s’en fout pas mal vu qu’on s’emmerde pas mal aussi. Patatras et patapouf. Main dans la main raconte une histoire de toujours, love story décalée et simultanée dans une même cadence : Hélène et Joachim se rencontrent par hasard, un baiser, une étincelle, un truc bizarre qui se passe, puis les voilà qui font les mêmes gestes (il est miroitier, comme ça tombe bien), liés, collés, cramponnés, synchrones, inséparables désormais.
C’est intrigant au début, soit, mais rapidement assez vain parce que Donzelli s’occupe davantage à soigner les afféteries de sa mise en scène (et à en agiter sans cesse les grigris conformistes) plutôt qu’à tenter de capter au mieux la passion tarabiscotée de ces deux hurluberlus (Elkaïm et Lemercier, en dépit de leur jolie interprétation, ne parviennent jamais à transmettre une émotion, à exprimer toute la complexité d’être à deux). Pouvoir, en même temps, raconter une histoire ET proposer une réalisation qui a du chien, ce n’est pas donné à tout le monde, et Donzelli n’a visiblement ni ce talent, ni cette possibilité-là. Main dans la main ? Main dans la gueule oui.