Derrière cette comédie, noire certes, se cache un film assez métaphorique avec un grand nombre de lectures possibles. L'une d'elle m'a frappé à la dernière vision de "The Trouble with Harry" : quel est le vrai "trouble" de Harry ? Le titre français ne rend pas compte de cet indice, présent dans le titre original, The Trouble with Harry. Si le sujet premier du film semble tourner autour du présent des protagonistes face au cadavre, et de leur culpabilité ou non culpabilité face au crime - qui n'en est pas un - un sujet plus enfoui est à déterrer (comme Harry) : le trouble qu'avait cet homme.


Or, son épouse Jennifer explique ce trouble, à peu près aux deux-tiers du films, par allusions comiques. Elle prévient son auditeur, le beau héros artiste, Sam : êtes-vous assez grand pour savoir quel était le problème avec Harry ? Le code Hays est là, et elle doit utiliser des métaphores pour révéler la vérité : Harry était impuissant. Lors de la nuit de noce, il lui a posé un lapin, la laissant seule à l'attendre dans la chambre d'hôtel, car il avait lu dans son horoscope : "aujourd'hui, abandonnez tout projet que vous ne pourriez mener à terme".


Or, le grand Hitch lui même se vantait souvent, dans des interviews, avec humour apparemment, de n'avoir fait l'amour qu'une seule fois dans sa vie : lorsqu'il a conçu sa fille Patricia... Humour ou pas, cette anecdote correspond tout de même au portrait que l'on sait d'Hitchcock par ses biographies ou le récit de Tippi Hedren de son harcèlement sur Marnie. Hitchcock était un homme qui aimait jouer à la poupée avec les femmes, qui parlait de sexe, qui faisait des "sex mysteries" comme il disait (il définissait ainsi Marnie), parce que le sexe était un mystère pour lui.


Harry, comme Hitchcock, ne savait pas rendre heureux les femmes. Impuissant face à son épouse, il harcèle une passante dans un buisson. Et pour ses troubles sexuels, il a été tué, et bon débarras. A la fin du film, Jennifer trouve Sam, et la dernière réplique révèle ce qu'il a commandé au millionnaire pour elle : "un lit double". Apparaît alors un titre à l'écran : "the trouble with Harry... is over". Avec Sam, un homme, un vrai, Jennifer n'aura plus à affronter les troubles de Harry, au lit. L'image phare du film est celle du corps allongé, aux grands pieds. La caméra ne voit que le bas de son corps, inerte. Hitchcock disait aussi de lui-même qu'il n'utilisait de son corps que la partie "au-dessus de la ceinture", celle en-dessous ne l'intéressant pas... (citation issue de "Hitchcock, une vie d'ombre et de lumière" de Patrick McGilligan).

BlueKey
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top Alfred Hitchcock et Mes films préférés (de 7 à 10)

Créée

le 15 mars 2018

Critique lue 162 fois

1 j'aime

BlueKey

Écrit par

Critique lue 162 fois

1

D'autres avis sur Mais qui a tué Harry ?

Mais qui a tué Harry ?
Ugly
7

Un cadavre encombrant

Considéré comme une parenthèse amusante dans l'oeuvre d' Alfred Hitchcock, et parfois minimisé de façon injuste, Mais qui a tué Harry? est pour moi au contraire un film à réhabiliter d'urgence. C'est...

Par

le 19 août 2019

37 j'aime

12

Mais qui a tué Harry ?
Artobal
9

Harry cane

"Harry" fut et reste pour moi un grand film conceptuel d'Hitchcock. Grand film conceptuel à double titre : d'abord parce qu'il se rabat entièrement sur le motif du MacGuffin (le "whodunit" qui sert...

le 17 oct. 2022

28 j'aime

7

Mais qui a tué Harry ?
SanFelice
6

Faux semblants

Le film se déroule comme une série de faux semblants censés perdre le spectateur. Et on les trouve dès le début. Des plans magnifiques sur une forêt en plein été indien. Un royaume de calme et de...

le 5 janv. 2013

23 j'aime

2

Du même critique

Mulholland Drive
BlueKey
10

Critique de Mulholland Drive par BlueKey

Sorti en 2001, Mulholland Drive est rapidement considéré comme l’un des plus grands films de David Lynch et comme l'un des chefs d’œuvres du cinéma. Face à ce film retors, le spectateur peut se...

le 16 juin 2013

16 j'aime

Hercule Poirot
BlueKey
8

Critique de Hercule Poirot par BlueKey

Un téléspectateur français, de moins de 70 ans, pourrait croire que regarder Agatha Christie’s Poirot équivaut à regarder L’inspecteur Derrick, puisqu’elle est majoritairement regardée par le même...

le 16 nov. 2015

15 j'aime

3

Aimer, boire et chanter
BlueKey
7

Critique de Aimer, boire et chanter par BlueKey

Depuis les années 90 et sa première adaptation d'une pièce d'Alan Ayckbourn, on peut constater que les films d'Alain Resnais fonctionnent en duo, consciemment ou inconsciemment de la part du cinéaste...

le 26 mars 2014

11 j'aime

1