Les "victimes" des précédents longs-métrages (le terme n'a jamais été aussi juste) de Cristi Puiu, et notamment du redoutable Sieranevada, sont prévenus : s'embarquer pour la projection de Malmkrog avec une grande bouteille d'eau, une capacité de concentration maximale et un bon état physique général sont impératifs. C'est donc parti pour 3h20 de discussions philosophiques sur le bien, le mal, la religion, la guerre, la morale, et tous ces thèmes censés agiter une poignée d'intellectuels au tournant du XXe siècle, soit quelque temps avant la première guerre mondiale et la fin des empires. Les protagonistes de Malmkrog sont des privilégiés et donnent l'impression de s'adresser à des spectateurs du même genre, pas le tout venant, en tous cas. Les critiques parlent d'un cinéma exigeant, ce qui sous-entend que ceux qui ne sont pas réceptifs sont soit des paresseux, soit des idiots. Bon, le trait est beaucoup forcé mais il y ici tous les ingrédients d'un film élitiste et replié sur lui-même qui ne concédera rien pour plaire à davantage de monde. L'on peut cependant choisir de ne pas totalement capituler devant ce monstre logomachique en picorant ça et là quelques scènes, les rares où aucun mot n'est prononcé, par exemple, pour admirer le talent de mise en scène de Puiu qui est indéniable, mais cela on le sait depuis La mort de Dante Lazarescu, qui a laissé de bons souvenirs. Très peu comestible en un seul bloc, Malmkrog pourra toujours être revu, pour les plus courageux, à la maison, en laissant infuser les 6 chapitres, à tour de rôle. Il n'est cependant pas nécessaire d'attendre pour tresser des louanges aux comédiens qui ont chacun des dizaines de pages à dire, en français, qui n'est pas pour certains leur langue maternelle. Chapeau bas !