C’est un secret de polichinelle, le genre du biopic n’accouche que rarement de joyaux cinématographiques (même si, plus tôt en 2013, Spielberg est parvenu à dresser un portait passionnant d’Abraham Lincoln grâce à des prises de position marquées). La faute, en général, au respect, à l’admiration ou à la timidité qu’entretient un réalisateur envers le protagoniste qu’il cherche à dépeindre. Et c’est d’autant plus dur à dire que la personnalité nous concernant a libéré tout un peuple de l’emprise de la ségrégation raciale, mais Mandela : Un long chemin vers la liberté ne fait pas exception à la règle.

Le récit de Justin Chadwick, qui s’étale de l’enfance de Madiba à son accession à la présidence sud-africaine, se révèle d’un académisme préjudiciable. Si cette ossature est tout à fait pertinente d’un point de vue scénaristique - elle illustre, de par sa montée en puissance jusqu’au point culminant que représente l’investiture, l’émancipation du peuple sud-africain -, l’aspect pot-pourri de l’ensemble peine à convaincre. Il nous oblige à suivre des événements secondaires dispensables (une partie de la jeunesse de Mandela, son second mariage) alors que d’autres, fondamentaux, sont omis (je fais essentiellement allusion à la Commission de la vérité et de la réconciliation, qui reste quoique l’on en dise, LE véritable exploit de Nelson Mandela).
Bien qu’il souffre d’un manque cruel d’audace, de parti-pris - il y avait manifestement une volonté de ne pas écorcher le personnage -, le film parvient à tirer son épingle du jeu pour deux raisons. La première tient au choix de de ses interprètes. Idris Elba, qui campe l’ancien prisonnier politique, se montre stupéfiant de vigueur et de justesse. Encore plus impressionnante est la prestation de Naomie Harris (sa femme dans le film), si fervente à la tête du mouvement de contestation qu’elle ferait presque passer son mari pour un militant de moindre envergure.
La deuxième explication qui fait de Mandela : Un long chemin vers la liberté un long-métrage inévitablement marquant provient du socle historique sur lequel il peut s’appuyer. Conter le combat de Nelson Mandela, c’est évoquer un récit poignant dans son déroulement, sublime dans son dénouement. Il est plus facile d’ébranler le spectateur avec une base narrative si forte émotionnellement parlant.

Mandela : Un long chemin vers la liberté est un film qui touche, c’est forcé. Mais l’histoire de Madiba ne doit pas se raconter parce qu’elle est belle, elle doit se transmettre parce qu’elle est forte. Et pourtant, on sera contraint de chercher d’autres supports que celui de Justin Chadwick, trop pauvre cinématographiquement, pour inculquer aux générations futures les enseignements de cette formidable lutte.
Surtout, alors que le film sort quelques semaines seulement après le décès de l’homme qu’il met en scène, on ne peut s’empêcher de penser que Nelson Mandela, de par le courage et la bonté extraordinaires dont il fit preuve, aurait mérité meilleur hommage.
Warnery
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le 3 févr. 2015

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