Enfin. Il aura fallu attendre six longs mois avant de retrouver le chemin des salles. Il nous aura fallu prendre notre mal en patience, mais que dire des équipes qui ont travaillé sur des films qui attendaient également sagement (et sûrement impatiemment) de rencontrer leur public ? Annoncé alors que Le Daim venait à peine de montrer son style de malade, Mandibules a enfin pu prendre son envol. Alors, ce dernier Dupieux fait-il mouche ?
S’offrir un film de Quentin Dupieux pour célébrer la réouverture des salles semblait tout à fait indiqué. On connaît l’univers si singulier du cinéaste et son aptitude à nous raconter des histoires totalement absurdes. Après avoir très rapidement enchaîné le savoureux Au Poste ! (2018) et l’imprévisible Le Daim (2019), Quentin Dupieux poursuit sur cette cadence soutenue avec Mandibules, nouveau métrage d’une durée modeste (1h17) au postulat encore une fois très surprenant et surréaliste.
Ce qui est plaisant avec les films de Dupieux, c’est qu’on a l’impression que l’idée de base qui les dirige a été écrite sur un coup de tête, après une blague ou une soirée, en se disant « imagine des mecs qui tombent sur une mouche géante dans un coffre de voiture ? » Si ça n’a aucun sens, ce n’est certainement pas ce que cherche le réalisateur qui matérialise son idée et qui la suit jusqu’au bout. Avec Mandibules, Quentin Dupieux annonce l’été avec un film ensoleillé, où la chaleur estivale accompagne ce malaise ambiant provoqué par cette bande de losers attachants, empêtrés dans une situation rocambolesque.
Chercher un sens à la présence de cette mouche, discerner une forme de symbolique ou des facteurs rationnels, serait une pure perte de temps, et ce n’est pas ce que recherche Quentin Dupieux. En revanche, parvenir à construire quelque chose d’attrayant, capable de maintenir l’attention du spectateur malgré cela, n’est pas donné à tout le monde. Dans Mandibules, on apprécie cette absurdité permanente, cette facilité déconcertante à enchaîner des situations invraisemblables avec ces personnages complètement loufoques. Grégoire Ludig et David Marsais composent le duo parfait pour porter ce film, également marqué par la prestation à contre-emploi total d’Adèle Exarchopoulos.
Nul doute que Mandibules est pleinement marqué par la « patte » de Quentin Dupieux, reconnaissable par le ton du film certes, mais aussi par cette atmosphère qui règne, ce côté intemporel et toujours très décalé. Toutefois, là où Le Daim s’avérait assez jusqu’au-boutiste, n’hésitant pas à changer radicalement de ton en cours de route et partant dans un vrai délire, Mandibules se fait plus sage, plus calme. L’absurdité règne, mais le surréalisme est davantage en retrait, pouvant laisser sur leur faim ceux qui en attendaient beaucoup sur cet aspect. Nous ne sommes certes pas au niveau des sommets que sont notamment Réalité et Le Daim, mais Mandibules coïncide avec cette réouverture tant attendue des salles, et on ne boudera pas trop notre plaisir.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art