Dès la fin du visionnage de Mandy, j'avais déjà décidé d'écrire une critique sur le film, mais je tenais à le laisser reposer un peu, histoire de digérer tout ça...
24 heures plus tard, je suis toujours aussi confus face à cet OVNI familier. Oui, OVNI parce que purée, c'est vraiment barré, et pourtant familier car les références abondent dans ce film, et donnent un sentiment d'étrange familiarité, l'impression de connaître ces territoires visuels et émotionnels que l'on traverse.
C'est d'ailleurs peut-être la principale faiblesse du film, cette volonté parfois artificielle du réalisateur de perdre délibérément le spectateur, tout en lui hurlant à la face son bon goût, son éclectisme, sa singularité. Le film choisit d'en faire trop, quitte à se forcer un peu.
Et ma foi, c'est un choix qui s'avère pourtant payant.
N'ayant pas vu le premier film du réalisateur, Beyond the Black Rainbow, se déroulant lui aussi en l'an de grâce 1983, je ne peux que me baser sur la bande annonce pour retrouver de flagrantes affiliations esthétiques et thématiques, mais je ne m'aventurerai pas dans cette zone avant d'avoir pu goûter à ce premier film.
Mandy nous plonge dans un conte pervers qui m'a fait penser par moment à une version démoniaque de Legend, tant dans les maladresses d'écriture que dans les éclats ponctuels de certaines scènes (avec quelques pointes de l'Histoire sans Fin dans le propos général), un road movie sous forme de fuite en avant évoquant le désespoir nihiliste des films de Hellman, un revenge flick particulièrement burné avec un Nicolas Cage qui passe d'une exemplaire retenue à une explosion rien moins qu'orgasmique, un film psychédélique saturé de magnifiques scènes sous psychotropes -un peu trop bien documentées pour être innocentes...- , une dérive mystique sur fond de cenobytes bikers, de secte gérée par un gourou oscillant entre flippant et ridicule, de torture, de délire christique, de descente aux enfers parfois littérale.
Le film danse avec un nombre démesuré de références, dans une pénombre permanente, un grain d'image qui hurle son amour du Grindhouse, mais aussi du ciné expérimental des 60's -Kenneth Anger en tête, tant dans les fulgurances visuelles que dans les nappes sonores qui enrobent avec délice l'ensemble du film- .
On pensera aussi immanquablement à Rob Zombie, tant au très beau Lords of Salem qu'à Devil's Rejects. On pourrait aussi voir un peu de The Fountain d'Aronofsky... Bref, on pensera à beaucoup de choses, qu'il est vain de lister, bien qu'indispensable, pour pouvoir donner un aperçu de ce qu'offre Mandy, en gardant à l'esprit à que dans l'oeil de ce cyclone de références assumées se trouve un film, un vrai, avec son identité propre, ses fulgurances, ses défauts.
Le rythme est atypique, à la fois lent et cotonneux, avec des pics de violence et des montées d'adrénaline démesurées, et ces deux pans narratifs se répondent avec une certaine élégance, tissant la trame atypique de ce film troublant.
Les acteurs sont parfaitement à l'aise dans leurs rôles, Nick Cage éclabousse de charisme, Andrea Riceburrough impose son imparfaite beauté et crève l'écran... Et bon, personnellement, un cameo de Bill Duke, moi, ça me fait toujours vibrer.
Surréaliste, contemplatif, nerveux, violent, débile, symbolique, mystique, psychédélique, ennivrant, Mandy est vraiment un drôle de trip. On peut adhérer ou pas, déplorer les défauts d'écriture, saluer la tenue esthétique du film, se faire emporter ou rester sur le Seuil.
Malgré ses défauts évidents (en causer trop avant serait, pour le coup, spoiler violemment le film, donc je m'abstiendrai), j'ai aimé ce film, et vais faire le nécessaire pour me procurer Beyond the Black Rainbow.