Un petit bijou de cruauté signé Yves Allégret, qui en deux films vient de me donner envie de creuser sa filmographie...
Sa propre épouse Simone Signoret y est fabuleuse de duplicité, Jane Marken compose une harpie immonde (proche de son personnage dans "Pot-bouille" de Duvivier), tandis que Bernard Blier campe un amoureux obsessionnel et pathétique : les traits peuvent paraître appuyés, mais ce type de personnages existent bel et bien, ou du moins ont existé à une époque.
Le discours peut apparaître misogyne de prime abord, mais le propos d'Allégret se révèle bien plus subtil, en nous faisant comprendre la situation de blocage vécue par une femme ambitieuse d'origine modeste dans la société patriarcale des années 50 (où le droit de vote vient à peine d'être accordé à la gent féminine). Un bon mariage restait alors l'une des seules options.
De façon plus générale, il se dégage de "Manèges" une forme de méchanceté gratuite des plus jubilatoires... A ce titre, la scène finale est formidable, d'une cruelle ironie mordante.
Malgré quelques légères maladresses (ou plutôt désuétudes), la mise en scène d'Allégret parvient à transcender un récit a priori sans grande surprise, en alternant brillamment les points de vue.
Qui a vu "Manèges" se souviendra longtemps de la voix geignarde de Blier et des éclats de rire sardoniques de Signoret et Marken.