Nous faisons tous des erreurs. Et parfois ça fait du bien de les faire. Et cela même quand on sait préalablement que c’en est une. C’est paradoxal mais c’est comme ça. Je crois que c’est le message principal de Mange qui, malgré son manque de moyens, n’en est pas une. Bien au contraire.
Avant de secouer la France et le cinéma de genre avec Grave, Julia Ducournau fit ses dents avec ce téléfilm qui, à mon sens, démontre déjà de son talent et surtout qu’elle est complète. Des dialogues à la mise en scène, en passant par le montage et les différents tons donnés, Ducournau montre qu’elle sait écrire et appliquer. Avec justesse. Sans excès.
Laura, avocate, ancienne grosse surnommée au lycée «Laura dans l’cul», survit chez les Outremangeurs Anonymes. Son club de boulimiques. Mais alors qu’elle s’apprête à célébrer sa première année d’abstinence, rejoint celle qui a jadis ruiné sa vie en lui attribuant le fameux surnom : Shirley, ironiquement devenue boulimique.
Au-delà de ce scénario-revenge qui est facilement jouissif, c’est en particulier la non-négligence du fond qui m’a rassasié. Notamment avec cette sous-intrigue de la relation "belle-mère/belle-fille". Rattrapage d’une amitié forte qu'elle n'a jamais eu durant l'enfance.
Le rattrapage. Tout en est question. Dans sa quête de vengeance, celle de faire tomber Shirley dans le vice de la drogue et de l’adultère, Laura va surtout rattraper sa jeunesse. Dans son stratagème machiavélique, où elle doit elle aussi "manger", elle reprendra goût à la vie. Elle se raccroche à ce qui lui apporte un peu d’adrénaline malgré l’aspect nocif (la coke, sa rancœur d'apprécier la compagnie de quelqu'un qu'elle se doit de détester). Elle s'émancipe en assouvissant ses pulsions si destructrices soient-elles : pas le temps pour les regrets. Et pour ça, le parallèle avec la bouffe tout le long est génial jusqu’à ce dernier acte aussi malaisant que maléfique.
Bref, c'est bien la finesse d’écriture du projet qui hisse ce long-métrage au rang de très bon téléfilm. Malheureusement, il faut être lucide, les moyens font que l’œuvre n’a pas l’impact qu’elle mérite et on regrettera de ressentir une certaine retenue dans les moments de folies ou d’excès ainsi que des jeux inégaux.
Dans tous les cas, si t’as aimé Grave et es intéressé par les premières esquisses de la réalisatrice : mange Mange.