Un quartier propice à la narration

Depuis de nombreuses années, Manhattan est considéré comme un film culte, un classique que tout cinéphile se doit de voir. Pourtant, je ne l’avais encore jamais regardé (honte à moi, je sais). Et je regrette aujourd’hui d’avoir si longtemps hésité, car il est clair que Manhattan n’a pas volé sa réputation : c’est un excellent film. De A à Z, Woody Allen contrôle son film : il l’a écrit, il le réalise, et il joue le rôle principal qui apparaît dans absolument toutes les scènes. Ce film raconte une partie de la vie de ce personnage, Isaac, au gré de ses diverses rencontres, et aventures sentimentales.

Une chose appréciable dans ce film est son côté imprévisible. Il est impossible, à la moitié du film, de dire comment il se terminera, critique qui peut être faîte à bon nombre de comédies romantiques. Ici, on peut deviner la suite des évènements en suivant les regards, en observant le comportement des personnages, mais jamais trop à l’avance. On se laisse embarquer dans cette histoire avec plaisir, sans savoir où l’on va. Difficile également de réellement classer Manhattan dans une catégorie : comédie romantique, comédie dramatique ou tout simplement comédie ? Là est la question car le film est en réalité un mélange des trois. Bien évidemment, les différentes relations du personnage et ses coups de foudre sont des passages de pure comédie romantique. Pourtant, certaines scènes sont plus mélancoliques et nous sommes pris de compassion pour ce pauvre Isaac. Et enfin, certains passages sont tout simplement hilarants. Ce qui est également appréciable est le fait que Woody Allen ne se contente pas d’utiliser un seul type d’humour. Ici, il est présent dans les dialogues, qui sont tout simplement formidables (j’y reviendrai) et très fins, mais également dans des scènes purement visuelles, de l’humour de situation. Pas de gag, mais plutôt des gestes et des réactions qui provoquent le rire très naturellement (je pense notamment à la séquence du déménagement qui ne doit pas durer plus de 20 secondes, mais qui m’a fait éclater de rire).

Au-delà de cette réussite scénaristique et comique, les divers aspects du film sont totalement maîtrisés. Le mélange des trois styles décrits auparavant est subtil et permet au public de ne jamais s’ennuyer ou se sentir enfermé dans un univers. Du côté des personnages, leurs personnalités sont incroyables de réalisme. Woody Allen ne confine pas ses protagonistes dans une personnalité simple et unique. Il apporte du réalisme en créant pour chacun des caractères complexes, difficiles à expliquer parfois, comme chez n’importe quel être humain, en somme.

Les acteurs effectuent un travail absolument formidable pour donner vie à ces personnages. Woody Allen est, bien évidemment, parfait dans le rôle de Isaac, auquel il donne cette naïveté, ce côté maladroit, mais qui le rend vraiment attachant pour le public. De son côté Diane Keaton, qui est sûrement la deuxième actrice la plus présente à l’image, apporte une part de tristesse à ce personnage qui ne veut qu’être heureux et mettre de l’ordre dans sa vie. Je ne vais pas citer tous les acteurs, ils sont tous formidables (mention spéciale pour Meryl Streep, sublime de froideur).

Je vais rapidement parler des dialogues, qui, en plus d’être extrêmement drôles, sont incroyable de réalisme. En effet, il n’est pas rare, pendant le visionnage, de s’imaginer dans une telle situation et de se voir répondre exactement la même chose que le personnage. Il est clair que Woody Allen a écrit un film qui lui ressemble et que les dialogues ont été écrits très naturellement.

Pour parfaire ce tableau on-ne-peut plus positif, la réalisation est sublime. Tout l’amour que porte Allen à la ville de New-York transparaît à l’image, avec ses plans sublimes (et nombreux) de la ville qui apparaissent tout au long du film. Certains plans sont étonnants tant ils semblent réfléchis et aboutis : ce plan où Isaac et sa compagne parlent avec une autre personne, mais un pan de mur cache au public l’identité de cette personne jusqu’au dernier moment, ou encore cette scène dans un musée, où les personnages ne sont plus que des ombres au-dessus de Saturne.

Bref, vous l’aurez compris, j’ai adoré Manhattan, comme tous les films de Woody Allen que j’ai vus à ce jour, et il m’en reste encore bien d’autres à découvrir. Un film beau et qui donne envie d’aller vivre à Manhattan dans les années 70. On y va ?