Alladin Sane
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Qui a eu dix ans dans les années 1980 se souvient parfaitement de cette cassette vidéo proposée par René Château avec son affiche iconique. Considéré et vendu comme étant le film le plus malsain et gore de l’histoire du cinéma avec Massacre à la tronçonneuse, il a rapidement acquis son statut d’œuvre culte. Que reste-t-il, des décennies plus tard, de ce titre sulfureux ? S’il a conservé son ambiance particulièrement glauque et son ton viscéralement morbide, on remarque plus rapidement que le film n’est pas gratuitement provocateur et qu’il a quelque chose à raconter. Dans le New-York cradingue de la fin des années 70, celui de Taxi Driver ou de Cruising, une société malade se fait jour, peuplée de psychopathes dérangés. Celui de Frank Zito est particulièrement ravagé. William Lustig nous plonge dans sa cervelle pendant plus d’1h25, mettant en scène ses tueries plus sanglantes les unes que les autres, misant sur ses drôles de grognement incessants quand la soif de sang se fait jour et sur sa voix pour raconter le chemin de ses dérangements psychologiques. Difficile dans ce portrait de ne pas voir une filiation directe avec Norman Bates, lui aussi traumatisé par sa mère et devenu complètement siphonné.
Dans le rôle de Frank Zito, Joe Spinell livre une interprétation totalement hallucinée qui en fait un être littéralement écœurant. Porté par les sublimes effets spéciaux de Tom Savini qui rend l’ensemble terriblement réaliste et brutal, le résultat ne flirte presque jamais avec l’onirisme comme beaucoup de ce type d’œuvres. William Lustig colle au plus près de la vérité, ce qui rend son film d’autant plus dérangeant. Tout au plus, la séquence nocturne du cimetière avec ses effets de fumée s’éloigne de ce ton, ce qui lui fait perdre en efficacité. La musique flippante de Jay Chattaway, déjà très à son aise pour son premier score, participe à cette ambiance générale qui permet des scènes particulièrement pesantes comme celles dans le métro ou à la sortie de la discothèque sur un parking désert. Dans leur conception, ces scènes sont de vrais modèles de terreur.
S’il a vieilli et présente quelques maladresses, le film demeure d’une redoutable efficacité. Avec sa photo bleutée et granuleuse, sa maîtrise formelle qui le rapproche d’un documentaire, le résultat conserve son ton particulièrement dérangeant. Empruntant aussi bien aux premiers films de Tobe Hooper ou de Wes Craven qu’à des classiques du cinéma d’angoisse, William Lustig, à 25 piges à peine, livre un film unique, exploitant à fond les limites de son budget pour en faire une œuvre particulièrement aboutie.
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le 2 sept. 2023
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