S'il est de bon ton de conspuer cet art contemporain à l'esthétisme douteux et sujet à un mercantilisme écœurant, loin de moi l'idée de ranger l'ensemble de la production artistique de ces dernières années dans un même sac. Tout n'y est pas qu'imposture intellectuelle et célébration de la médiocrité, même s'il faut bien admettre qu'une bonne partie de l' « élite artistique » (singulièrement celle qui se drape du prestige des musées) a abandonné le questionnement sur l'art en tant qu'artisanat et comme objet sociologique. Si un film comme The Square montrait brillamment l'absurdité de ce milieu évoluant en vase clos, Manifesto en est le centre.
Initialement pensé comme une installation pour musée (le film étant projeté en exposition et découpé en plusieurs scènes), Manifesto prend son propos très au sérieux : la logorrhée prétentieuse sur l'art et son caractère quasi divin (l'art est le Tout, l'art est la Vie, l'art est le Néant, ...) ne sont nullement une manière de questionner son identité, mais bien de l'affirmer sous ce qu'il a de plus absurde et inintéressant. L'art n'est qu'une construction intellectuelle, mieux : un discours ; l'artisanat (qui est à la racine étymologique même du mot) n'est jamais évoqué, son esthétique est abstraite, sinon secondaire.
L'esthétique, parlons-en : si je suis allé voir ce film (outre le fait que je ne savais rien à son sujet), c'est que la bande annonce m'a profondément marqué. Certains plans sont magnifiques, et la musique utilisée donne à l'ensemble un caractère hypnotique. Je me doutais que j'allais voir un OFNI, mais j'avais encore la naïveté de croire que ce serait un film... En vérité, l'esthétisme est ici utilisé de la même manière qu'en publicité : il ne s'agit que d'un trompe-l’œil, d'un cache-misère.
Misère, c'est bien le mot. Cate Blanchett, dont la performance semble unanimement saluée, est en surjeu permanent et se couvre de ridicule dans des rôles qu'elle ne maîtrise manifestement pas (la gotho-punk...). S'il s'agissait de créer un contraste entre les situations et la récitation incongrue d'ouvrages théoriques sur l'art, force est de constater que c'est un échec. Il n'y a aucun travail d'acteur, aucune intégration des passages récités aux différentes scènes, si bien que les décors deviennent interchangeables et ne créent aucun sentiment de décalage. Changer d'atmosphère ne surprend jamais puisqu'on sait qu'on va subir le même discours vide de sens. Et quand bien même ce discours changerait-il de fond qu'on ne le saurait pas puisque tout est récité sans contexte et sur un ton à la fois monocorde, hautain et péremptoire. Le pire étant bien entendu que l'auteur de cette « chose » ait eu la prétention de croire que sa création avait une quelconque valeur filmique...
Le visionnage de Manifesto a été une torture sans nom : jamais je n'avais autant ressenti d'ennui en salle. Au bout de cinq malheureuses minutes, je ne tenais déjà plus sur mon siège ! « Tu n'avais qu'à sortir », me direz-vous ! Mais je suis resté... j'ai regardé cette bouse infâme jusqu'au bout, sachant pertinemment qu'il n'y avait aucune chance que cela devienne plus agréable. Ainsi, à tous les cons prétentieux qui soutiendront qu'il s'agit d'une œuvre « révolutionnaire, questionnant notre rapport à l'art », je pourrai dire que je l'ai regardée jusqu'au bout, et que c'était absolument, définitivement et sans aucune hésitation de la grosse MERDE.
PS : je constate que le film est repris sous la catégorie "drame" sur Sens Critique… enfin un peu de bon sens salvateur.