Comme les deux romans de l'ouvrage de Pagnol "l'eau des collines", "Manon des sources" de Claude Berri est la suite directe de "Jean de Florette" avec les mêmes acteurs.
Des années ont passé et la petite Manon est devenue une adolescente. C'est la jeune Emmanuelle Béart qui tiendra le rôle de Manon.
Je disais dans l'avis sur le roman que l'histoire mise en place dans "Jean de Florette" se transformait dans "Manon des Sources" en une tragédie grecque car le Destin avait décidé de révéler à Manon l'ignominie du couple Papet/Ugolin puis de lui donner les armes pour "punir" les coupables.
Et au début du film, on voit Manon sur la tombe de son père jouer un air d'harmonica qui est simplement le leitmotiv de la "Force du Destin" de Verdi …
On pourrait ainsi dire que, mine de rien, le film est lancé par cet appel au Destin sur la tombe de Jean de Florette : ça, c'est une petite trouvaille du film par rapport au livre … On est encore une fois pas loin d'Electre sur la tombe de son père, Agamemnon, lâchement assassiné à son retour de la guerre de Troie.
Ensuite le film se déroule en respectant scrupuleusement le roman même si bien des scènes sont simplifiées ou raccourcies ou encore des personnages secondaires effacés. Des choix doivent être consentis par le scénariste. C'est la loi du genre si on veut rentrer dans une durée de film acceptable.
La scène, magnifique et pleine d'émotion dans le livre, où l'instituteur, qui a compris ou du moins deviné le rôle de Manon dans l'assèchement de la source, trouve les bons arguments pour convaincre Manon de revenir sur sa vengeance, est un peu trop simplifiée dans le film et c'est dommage.
De même, le rôle de Pamphile avec ses flèches noires bien présentes dans le film Jean de Florette a dans "Manon des sources" été escamoté. C'est dommage aussi car lors de la scène du "règlement des comptes" dans la cour de l'école, dans le livre, Manon rend un vibrant hommage à "l'anonyme" qui a mis les flèches noires : "celui-là, c'est un homme". Du coup, la scène du film est moins puissante.
Parmi les aspects positifs du film, le rôle de la mère de l'instituteur que je trouvais trop important dans le livre a été bien simplifié et c'est tant mieux.
Côté casting,
Daniel Auteuil dans le rôle d'Ugolin et Yves Montand dans le rôle du Papet sont encore une fois excellents dans leurs rôles. Daniel Auteuil habite complètement le rôle complexe d'Ugolin en paysan enrichi d'une part, animé d'une passion mortifère d'autre part. Et Yves Montand assume parfaitement son rôle de paysan madré qui se retrouve face à son destin. Sans cabotinage.
Quant à Emmanuelle Béart, elle est sensationnelle. Elle a d'autant plus de mérite que le Destin (encore lui !!!) (dans la personne de Claude Berri ????) l'a choisie, elle, pour ce rôle, alors que dans la vie civile elle est en couple avec celui qu'elle est tenue de haïr dans le rôle !
Claude Berri a réussi une très bonne version de "Manon des Sources" en ligne avec ce qu'il venait de faire avec Jean de Florette. Même si, de mon point de vue, il a eu une légère tendance à atténuer la force dramatique et l'émotion du roman.