La veille de la séance de Marcello mio, je revoyais Chambre 212 qui, à mon sens, jouait merveilleusement sur une artificialité où le spectateur circulait dans une malice à la Guitry (remercié dans le générique) et un merveilleux brillant et personnel. De cette fantaisie, le dernier Honoré me semble en être beaucoup trop dépourvu. Pourtant, la promesse d'un travestissement laissait espérer, de la part d'un metteur en scène que j'apprécie, des idées lumineuses. Seulement, tout ce qui auparavant était réussi dans son cinéma est ici réduit à peau de chagrin et se heurte à un scénario qui se perd entre le collectif d'une famille de cinéma à la "Dix pour cent" et le parcours d'une actrice/personnage.

La seule réussite de ce film tient dans la composition de Chiara Mastroianni, qui excelle au-delà des attributs génétiques qui ne sont pas de son fait. Le film est écartelé entre une volonté de faire un portrait de son actrice et un film de troupe. Or, le film de troupe prend non seulement le pas sur le parcours troublant (mais pas assez) de cette actrice, mais lorgne surtout vers une famille dans laquelle le spectateur n'a pas sa place. On a l'impression de voir par instant des bouts des Petits mouchoirs sauce Honoré. Le glissement du personnage de Chiara Mastroianni dans la peau de feu son père est pauvre, et la raison qui la fait s'y glisser (l'étiquettage de "fille de") est un élément déclencheur trop psychologique et très peu cinégénique. De sorte que, la suite du geste manque cruellement de folie et d'onirisme (toujours rattrapé par des acteurs qui jouent leurs propres personnages).

Les artifices sont trop nombreux et ne se fondent jamais dans le film. Quant à la mise en scène, elle est très très maigre. Je sauverais, de ce côté-là, l'apparition de Marcello Mastroianni dans le miroir. Pour le reste, quand Honoré tâche de surélever sa réalisation, on entre moins dans le pathos que dans le ridicule, comme cette scène où Deneuve chante et qu'on a l'impression de voir un clip de Julien Doré dans des rayons de lumière, ou que toute la troupe joue au volley-ball (incohérent). C'est une succession de scènettes détachées les unes des autres.

Je rêvais de voir un parcours véritablement burlesque, chaotique et onirique d'une actrice hantée par son père, j'ai surtout été le spectateur d'un film qui croulait sous le poids d'une distribution trop lourde pour son sujet.



Haroma
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le 23 mai 2024

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