Sur la base de la traque d'un jeune loup quittant sa meute pour, si ce n'est en fonder une nouvelle, au moins en rejoindre une autre, Jean-Michel Bertrand livre un film pudique construit comme un miroir dressé entre le loup et l'homme.
L'activiste passionné se dévoile en amoureux solitaire de la nature (loin du scientifique fou ou de l'aventurier narcissique à la Mike Horn) lors notamment de très belles scènes dans la cabane où la lecture d'un journal écrit sur plus de 20 ans émeut simplement. La base qu'est l'enquête n'est finalement qu'un prétexte à un panorama des montagnes et forêts du Sud-Est de la France et un témoignage sur la contingence de la nature et l'idée selon laquelle seule la quête d'un but, même s'il n'est jamais trouvé, fait marcher.
Grâce à un dispositif de caméras automatiques plantées ça et là dans la montagne, le documentaire se révèle moins un film sur les loups qu'un témoignage de la biodiversité dans son ensemble, dessinant de touchantes rencontres sur les chemins entre randonneurs amoureux et renards, moto-cross et biches. En brisant la frontière imaginaire que se sont dressés les hommes pour s'éloigner du "sauvage", Bertrand livre un discours engagé sur le loup, une critique du comportement humain qui, sans arguments lourds, propose des remarques d'une évidente simplicité. C'est face au cadavre pendu d'un renard qu'on se demande "Mais qu'est-ce qui peut bien passer par la tête de ces gens-là ?". C'est en déjeunant qu'on sauve une guêpe du piège d'une toile d'araignée.
Marche avec les loups est un beau film sensible dont le sujet cache en filigrane le portrait de son réalisateur et un discours plus large sur l'ignorance des Hommes qui mène à la cruauté, et le désir malsain de régulation d'une nature qui se régule bien toute seule qui mène à une mauvaise gestion de sa territorialité.
Le tout joliment mis en musique par Armand Amar et, paysages obligent, offrant de superbes images.