Après avoir abordé la maladie de manière audacieuse dans le triomphal La Guerre est déclarée, le duo Donzelli/Elkaïm s’intéresse dans cette œuvre à l’amour et la traite, presque logiquement, de manière plus dramatique. Le caractère sombre se perçoit dans la photographie étonnamment fuligineuse. Celle-ci s’accorde bien à ce conte de fée, car il s’agit bien d’un conte, narrée par une demoiselle dans un dortoir de jeunes enfants. Inspiré d’une histoire vraie, l’histoire raconte celle de Julien et Marguerite, un frère et une sœur ayant fait preuve d’inceste et d’un amour interdit au XVIIème siècle. Comment peut-on évoquer l’inceste sans déranger le spectateur ? D’abord un univers, témoin d’un imaginaire vraiment à part.
Car on ne peut pas parler de Marguerite et Julien sans évoquer son univers si particulier. Celui-ci est une espèce de monde rural, hybride entre le monde médiéval et le début du vingtième siècle - avec à la clé quelques anachronismes poétiques et romantiques au service de l’intrigue du film. Il est intéressant et suscite notre curiosité. Un grand travail a été fait là-dessus et mérite d’être salué ! Et ce monde apocryphe contribue également à nous accrocher devant l’écran pendant les quelques ralentissements de l’intrigue. L'univers présente bien un décor forestier digne des contes avec des personnages dignes des plus grands "méchants" (Lefèvre par exemple).
Par ailleurs, l’œuvre nous fait fermer les yeux sur l’inceste en lui-même. L’inceste devient secondaire. Nous nous attachons aux personnages et à leur quête de vouloir finir ensemble. Cette histoire relate avant tout un amour certes immoral mais pointé grossièrement du doigt par les autres et de ce fait les personnages se retrouvent persécutés. On finit alors par vouloir que leur amour vive à tout prix, au-delà de tout moeurs. Donzelli et Elkaïm ne tombe pas dans le piège de tout de suite nous montrer cash sans explication le fruit de l’amour interdit. Ils choisissent de partir au plus loin pour que l‘on comprenne réellement la dépendance respective de nos protagonistes. Fermer les yeux mais il faut bien évoquer l’indicible malgré tout. Et lorsqu’on nous confronte à cet inceste, c’est fait sans aucune lourdeur au contraire, avec presque une certaine beauté qui précède des passages légèrement pus crûs. Mais l’acte sexuel n’est pas ce qui définit ce couple inhabituel. En effet, Julien et Marguerite prennent ça - au début en tous les cas - comme un jeu comme ils avaient l’habitude de faire jadis. Ainsi, ce ne sont que de grands enfants qui cherchent avant tout à ne pas grandir face à leur société trop sérieuse. C’est en cela que le film prend une dimension plus importante qu’un simple fait-divers. C’est une lutte de David contre Goliath, imprégnée d’Amour.
Il s’agit d’un conte moderne sur l’amour dans sa conception la plus pure. Les critiques ont été sévères envers le long-métrage. Peut-être est-ce pour le décalage entre le scénario original destiné au cinéaste de la Nouvelle Vague Truffaut et celui remanié par Donzelli/Elkaïm ? Pourtant, de par quelques traits, leurs cinémas ont quelques ressemblances : la voix-off, la manière de filmer la mer digne des Quatre cent coups ou encore la manière de filmer les visages au plus près dont le film est un parfait exemple. L'œuvre n'est absolument pas gnan-gnan mais profonde dans ce qu'elle traite, notamment grâce aux comédiens. La direction des acteurs est à la hauteur de l’exercice car tous les personnages font preuve de vraisemblance. Ce film, qui peut connaître des scènes assez longues et qui a du mal parfois à faire avancer l’histoire, charme de par son univers et de par la manière de traiter un conte moderne sur l’amour, un thème qui reste intemporel.