Cinq ans après Maria Schneider venue s’abimer dans un funeste tango à Paris, c’est au tour d’une autre Maria, la Callas d’entamer son ultime danse dans la ville lumière.
Confusion de deux destins, à la trajectoire pourtant diamétralement opposée, mis en parallèle la même année dans deux oraisons cinématographiques homonymes, deux belles âmes venues s’échouer sur les sentiers de la célébrité l’une à l’aube de sa carrière, la seconde au crépuscule de sa légende.
Biopic annoncé donc, dans univers cinématographique radotant qui recycle jusqu’à l’écœurement la dernière recette qui a rapporté quelques dollars (la bio filmée), le Maria de Pablo Larraín s’inscrit dans une véritable vision de cinéma initiée par un homme talentueux, malin (et le bougre le sait bien).
De fait et dès son entame, Maria se présente comme un voyage dans l’imaginaire de la Callas, un imaginaire brumeux peuplé de visions que la diva peine à dissocier du réel. L’effet est saisissant dès les premières scènes, surréalistes, où se confondent le réel (les dialogues avec ses deux fidèles employés (Pierfrancesco Favino Ferruccio et Alba Rohrwacher sobres et magnifiques), le douteux (l’arrivée imminente d’une équipe de télévision venue réaliser le portrait de la cantatrice) et l’improbable (la visite nocturne d’Onassis mort deux ans plus tôt).
Le réalisateur chilien s’affranchit des codes de la narration classique des récits « biographiques », préfère se saisir de l’instantané, fantasmant les sept derniers jours d’une diva à la santé déclinante, naviguant dans un Paris désertique accompagné de » Mandrax », nom du journaliste biographe imaginaire, mais aussi du sédatif qui occasionne ses visions.
Evidemment, l’approche participe beaucoup de l’habileté scénaristiques, favorise la fragmentation du récit par l’insertion de nombreux flashbacks en noir et blanc dans une temporalité anarchique ce qui renforce encore un peu le sentiment d’incohérence des pensées de la prima donna. A ces divagations émotionnelles, Larraín oppose un quotidien pleinement ancré dans la réalité de ce qui se joue dans l’appartement parisien, des gimmicks dont la récurrence fait sourire : le piano sans cesse déplacé ou traduisent des enjeux bien plus dramatiques : la surveillance bienveillante du majordome inquiet de la dégradation de la santé physique de la Callas qui se confond de plus en plus intensément avec une Angelina jolie transfigurée au fil du métrage et qui livre une partition stupéfiante.
Evidemment tout n’est pas parfait, loin de là dans Maria, la beauté des images d’ Edward Lachman (chef op notamment de Virgin Suicides, Carol) mises en exergue par la science du cinéma de son directeur (on pense notamment à cette séquence silencieuse et nocturne autour de la place Vendôme) est manifeste, mais la sur-utilisation des effets de style lasse un peu, étirant inutilement certaines scènes et par là-même le métrage qui parfois se laisse envahir par une confusion certaine et perd un peu de sa dynamique initiale.