Ce film chilien décrit à travers une femme, Mariana, fille de « Don » , de « Señorito », au passé quelque peu trouble du temps de la dictature, l’atmosphère actuelle prégnante des atrocités commises durant l’ère Pinochet. Tout le monde semble en être infecté, et même les opposants à l’ancien régime, présentés ici comme haineux, revanchards et acharnés, sont dépeints de façon plutôt négative et participent à cette ambiance délétère. La réalisatrice Marcela Said réussit pour une fois un film chilien qui montre les lendemains de la dictature de Pinochet à travers une atmosphère, plus qu’à travers des faits, et ceci en montrant que le bien et le mal y sont intimement mêlés, le noir et le blanc cohabitent comme sur le pelage du chien dalmatien que Marcela reçoit à la fin du film. C’est une ambiance rude, en demi-teintes, où chacun peut avoir la nature d’un monstre du temps de Pinochet, comme les modèles à têtes de monstres qui font l’objet de prises de photos artistiques pour une exposition dans la galerie de Mariana. Les chiens du titre original du film, « Los Perros », ce sont les anciens serviteurs, volontaires ou forcés par les circonstances, de l’ancienne dictature, qui gravitent autour de Marcela, comme dans le grand tableau présenté dans la dernière partie du film où l’on voit une petite fille quasiment portée et assaillie par une meute de chiens dont on ne sait si les intentions sont de la protéger ou de la dévorer. Pour jouer le rôle de Mariana, l’actrice Antonia Zegers affiche un éternel sourire qui n’est que de l’indifférence et de la froideur devant la réalité qui l’entoure, celles d’une femme non pas immorale, mais amorale.