Adapté de la pièce de Maxwell Anderson, « Mary Of Scotland » est une œuvre inégale. Bien que ne perdant jamais le fil du récit, le scénario s’égare dans des épisodes cherchant à dépeindre le caractère à la fois solide et fragile de la Reine d’Ecosse ce qui en atténue sa force. De même l’interprétation est partagée. Au crédit un antagonisme féminin entre les reines Elizabeth Tudor et Mary Stuart, brillamment interprétées par Florence Eldridge (un essai de Ginger Rogers lui était supérieur) et l’exceptionnelle Katharine Hepburn, la meilleure et la plus moderne à ce jour (février 2022). Dudley Nichols avait adapté les dialogues de la pièce, atténuant la partie intrigante au profit de la victime romantique. Ian Keith dans le rôle de l’ambigu et arriviste James Stuart, Comte de Morlay, est épatant, ainsi que John Carradine (David Rizzio) dans un de ses rares rôles de gentil. Au débit les interprétations théâtrales et parfois ridicules de Fredric March (James Hepburn, Comte de Bothwell, dont le nom de famille n’est jamais prononcé, Katharine descendant directement de cette famille), Douglas Walton (Lord Darnley) et Moroni Olsen (John Knox, dont le premier prêche est dévalorisé par le réalisateur). La magnifique scène finale de la montée rayonnante de la Catholique Mary Stuart est ridiculisée par les éclairs et le tonnerre (on se croirait chez B. DeMille !). L’entrevue des deux reines (pure invention d’Anderson pour montrer pourquoi la reine vierge est surtout une dame de fer) succède à une impressionnante reconstitution du procès. Des juges aux habits luxueux, juchés sur un magnifique mobilier de bois d’une hauteur écrasante, dominent la fragile silhouette toute de noir vêtue de la Reine accusée. La blancheur immaculée des murs renforce la tragédie qui se noue définitivement dans une lumière qui s’éteint progressivement. Car il s’agit bien d’une tragédie, Mary Stuart rentrant de France n’a en fait que peu de chances : Elizabeth Tudor veut la mettre hors-jeu, son conseil des Lords cherche à l’évincer pour mieux se partager l’Ecosse. D’entrée l’ex-reine de France va écouter son cœur et ses pulsions. Fatale erreur, comme le montrera la suite, par un enchaînement implacable qui l’amènera sous la hache du bourreau. Malgré d’immenses qualités, des moyens imposants, une passion certaine et un engagement de la part du très catholique et très irlandais John Ford en faveur de l’écossaise, par un très inhabituel manque de rigueur dans quelques scènes souvent bavardes, le cinéaste passe à côté d’un chef d’œuvre. Mais tel quel, il suffit de le comparer aux films suivants : les « Mary, Queen of Scots », réalisés en 1971 par Charles Jarrot (plutôt pro anglais) et 2013 par Thomas Imbach (avec Camille Rutherford), pour mesurer immédiatement la différence entre un grand maître et des tâcherons.. La version de 2018, également américaine, expose un militantisme féministe et un casting douteux, les deux assez hors sujet.