Blind Husbands est la première réalisation d'un des cinéastes les plus extravagants, les plus turbulents, les plus scandaleux, les plus incontrôlables de tous les temps, j'ai nommé Erich von Stroheim.
Et on peut dire que le style est déjà très identifiable. Un couple d'Américains, un mari négligeant, une épouse délaissée, mais avec un sens moral fort vs un Européen fourbe, lâche, vantard, libidineux, qui se plait à torcher la moindre notion de morale à chaque occasion. Une confrontation qui ne sera pas sans conséquence évidemment. Le tout sur fond de sommets alpestres, avec l'ombre écrasante d'une montagne qui aura le mot de la fin...
Mais voilà, on a l'impression que c'est du von Stroheim, par les thématiques, par le scénario, mais que ses griffes lui ont été enlevées. On ne retrouve pas encore un côté putréfaction, avec son goût du fétichisme pervers et cruel, qui fera l'essence et la valeur de son cinéma. C'est du von Stroheim édulcoré. L'histoire est là, mais on ne retrouve pas encore cette odeur de pourri, de saleté.
Soit c'est parce que von Stroheim n'avait pas encore laissé oser exploser sa subversion (connaissant le personnage, ce n'est guère crédible !), soit parce qu'il n'a pas eu accès à la salle de montage (connaissant le personnage, c'est nettement plus crédible !). En tous les cas, il ne refera pas la même erreur puisqu'il se barricadera, avec comme seule compagne une Winchester chargée, pour le montage de son deuxième film The Devil's Passkey (difficile malheureusement d'en dire quoi que ce soit puisque ce film est perdu !). Et avec son troisième Follish Wives (qui traitera des mêmes thématiques que Blind Husbands, sauf que les Alpes autrichiennes seront remplacées par un hôtel monégasque !), on pourra être témoin que le style von Stroheim n'a pas attendu longtemps pour se laisser aller complètement à toute sa (dé)mesure.