- En somme, vous me proposez d'enculer quelqu'un au nom de la liberté ?
- Exactement !
Avec son complice de Téléchat, Henri Xhonneux, Roland Topor a décidé d'aborder un sujet qui n'est pas du tout cette fois pour les petits enfants, le Marquis de Sade. Enfin, je devrais plutôt dire une représentation de l'univers du Divin Marquis, saupoudrée d'éléments biographiques, à travers le style unique et bien identifiable entre tous de Topor. La frénésie perverse froide et ritualisée, aux forts relents de frustration et de désespoir embastillés du premier, croise le cauchemar sordide, surréaliste et teinté d'humour noir, souvent ironique, du second.
Et à la vision du résultat, on ne peut qu'en conclure que ces deux-là étaient vraiment faits pour se rencontrer. Loin de se concurrencer, ils se complètent. Par exemple, le Marquis, c'est-à-dire le personnage principal, parle à son vit, qui lui répond. La frustration désespérée de l'un s'est mélangée au surréalisme de l'autre. En conséquence, c'est tout aussi toporien que sadien. Cela se complète, on vous le vit... euh dit...
Surréalisme toporien qui se retrouve évidemment à travers l'esthétisme des personnages animaliers animatroniques, dont les caractéristiques physiques vont servir à insuffler toute l'originalité des rares éruptions de sexe et de violence bien sadiennes (Topor et Xhonneux ayant l'air d'avoir parfaitement saisi que la rareté dans ce domaine au cinéma rendait les choses plus surprenantes, donc plus choquantes, donc plus percutantes, donc plus mémorables !).
Et, bien sûr, on n'oubliera pas de dire que l'ironie de Topor sert la vision cinglante qu'avait le Marquis des autorités étatiques et cléricales.
Tout n'est pas sans défaut. La pensée "l'amour est plus fort que la mort" qui sort de nulle part. Idem pour le fait que le geôlier rat tombe éperdument amoureux de la malheureuse vache, enceinte d'un royal viol, sans qu'absolument rien ne l'annonce d'une quelconque manière. Et l'animatronique est un peu ankylosée lors de la scène de l'évasion finale (mais je chipote un peu, car de ce point de vue, le film est irréprochable autrement ; sans parler, au passage, que le doublage des comédiens est brillant et les dialogues sont aux petits oignons, bien dans l'esprit du scandaleux sujet !).
Mais, comme tout ce que touche Topor, c'est un OVNI, ou un OFNI, complet. Un OVNI sado-toporien. Un OVNI que l'on ne pourrait certainement plus réaliser aujourd'hui. Avouez que tout cela constitue une très bonne raison de le regarder sans hésiter.