George A. Romero, le “Godfather of all Zombies”, s’est globalement fait connaître en rendant le film de zombie culte, à commencer par La nuit des morts-vivants. Martin n’en fait pas partie : c’est un film de vampires. Enfin… à peu près. Petit ovni dans la filmographie du réalisateur, il est acclamé par la critique à l’époque de sa sortie et reste une oeuvre de référence qui vieillit extrêmement bien.
Le mythe du vampire a la dent dure : cercueils, crucifix ou gousses d’ail se retrouvent tous plus ou moins au fil des croyances populaires et religieuses. Romero les tourne en dérision grâce à ce héros atypique, persuadé d’être un vampire mais non sensible à ces artifices. Hanté en revanche par ses souvenirs d’une époque lointaine, il semble parfois fuir sa nature – ou seraient-ce des flashs hallucinatoires inspirés par le cinéma d’horreur des années 30 ? On retrouvera dans ses délires presque dramaturgiques une ambiance semblant tirée tout droit de Dracula (1931) ou encore parfois les torches de Frankenstein (1931), tandis que l’adolescent timide se fait nommer Nosferatu par un oncle illuminé, patronyme emprunté à l’expressionnisme de Murnau.
En outre, une fois de plus, Romero ne se contente pas de nous offrir un divertissement horrifique mais en profite pour faire une critique acerbe d’un aspect de la société moderne. Ici, la religion en prend pour son grade, ainsi que la tradition familiale, toutes deux presque ramenée au rang de secte ou de mysticisme. Intransigeante, superstitieuse jusqu’au ridicule, elles renforcent le délire de Martin et en sont peut-être même la cause, contribuant à son sentiment d’exclusion et d’anormalité.
C’est également le passage à l’âge adulte d’un adolescent, certes différent, mais confronté aux affres de la découverte d’une sexualité d’homme et d’un besoin d’affection non comblé. Le climat familial intense auquel il est confronté laisse un amer goût d’injustice, comme celui que ressentir l’adolescent en plein conflit avec ses proches, oppressé dans la construction de sa propre personnalité.
Même si Romero préfère au fantastique un jour extrêmement rationnel, nous n’aurons de cesse d’avoir des doutes au sujet de la réelle identité du jeune homme. Le plus important étant que ce vampire, baigné du jour de la “normalité”, pourrait être notre voisin. Nul besoin de pouvoirs surnaturels pour être un monstre, et celui-ci est de ceux qui nous pourrions croiser au quotidien.
Pétri d’onirisme et empreint d’une grande poésie malgré sa violence, Martin n’est pas sans rappeler les aventures, bien plus tard, d’un autre jeune homme dont l’existence semble, elle aussi, difficilement connectée à celle du reste de la société : Donnie Darko. L’on y retrouvera également des éléments cultes servant de références et d’inspiration, bien plus tard, à d’autres cinéastes : par exemple, le fameux square au manège tournant de la série Buffy, ou encore ses hauts grillages, ses cours sombres.
Un film très personnel qui aurait mérité le rang de culte mais reste dans un relatif anonymat comparé aux oeuvres zombifiques de George A. Romero. Pour mon plus grand plaisir puisque j’ai pu découvrir cette petite perle qui, selon la légende, demeure le préféré de sa propre filmographie. C’est en tout cas le mien.