Martin Eden, et les commentateurs se sont plu à l’assurer, c’est jack London. Certes mais un Jack London, étrangement inspiré qui par une sorte de projection médiumnique a pressenti sa propre fin, sa propre désespérance.
Martin Eden, c’est aussi moi et peut-être vous.
Un peu plus instruit que le frustre marin, moins physique mais autodidacte acharné, passant outre les diplômes et autres certifications officielles. Revanche du laissé pour compte mais avidité à vivre et à savoir en quelques domaines que ce soit. Impuissant à transformer une société qui n’a jamais pu l’être, revenu de toutes les utopies et de tous les idéaux, vivant pour l’acquisition de sa propre perception de l’existence, profondément anarchiste et individualiste mais aussi profondément déçu.
Martin Eden, c’est surtout toute la schizophrénie de London, déchiré entre ses sympathies socialistes, sa négation profonde des théories de puissance de Nietzsche et son propre individualisme forcené basé sur la résistance et la force physique dont il a nourri sa jeunesse aventureuse.
Le roman ne serait au fond qu’assez banal, sans cette dimension philosophique et politique qui en fait un chef d’oeuvre totalement intemporel.
Ce qu’a parfaitement compris Pietro Marcello car on aurait bien du mal à situer l’époque exacte de son film. Luca Marinelli est un très acceptable Eden italien et l’Italie politique offre un fond historique très acceptable au roman original. Un film que n’aurait pas renié Pasolini ou Antonioni et qui rassure sur la santé florissante du cinéma italien.