Soirée Halloween au cinéma, avec une programmation plus pêchue que les classiques d'épouvante (qu'on adore autant qu'on les connaît par cœur), dont le dernier film est Martyrs pour la séance de minuit... On connaissait le caractère très dérangeant, choquant, voire même traumatisant de Martyrs, donc on prenait une place au bord de la salle, pas trop loin de la sortie, pour ne gêner personne au cas où... Et 1h39 après, on était encore dans ce siège, étonnée dans le bon sens par cette œuvre qu'on sentait plutôt mal au début. On s'attendait à une boucherie à la Saw (ce qu'on déteste au plus haut point), mais on a été surpris que le film préfère la suggestion à la démonstration (hormis au début), aussi on entend tandis que le plan cadre ailleurs (on a été très contente de ne pas assister en frontal à la scène de
dépeçage finale
... Ouf !), on a des ellipses qui témoignent de la durée infernale du calvaire de la pauvre victime, mais concrètement, passé le milieu du film (le début a son lot de sang, entre les scarifications et la martyrisée aveugle au casque clouté... Et bon appétit, bien sûr), on ne voit que des baffes. Attention, la violence psychologique reste évidemment ultra-puissante, mais étant subjectivement davantage dérangée par le gore, on a moins "subit" que prévu. Les deux actrices principales se donnent à deux cents pour cent, Morjana Alaoui en tête (elle nous bouleverse), et Mylène Jampanoi également (elle nous terrifie), et l'on croise même un petit rôle du jeune Xavier Dolan. La mise en scène est très inspirée (les transitions entre les scènes, les travelings notamment lors de la scène d'ouverture), les truquistes et maquilleurs sont à applaudir (le corps sans peau et les scarifications sont bluffantes de réalisme), et le scénario parvient même à nous plonger dans un profond sentiment de pitié entre deux moments d'effroi : la pauvre aveugle secourue vainement par Anna forme une bien triste figure de Pietà, qui nous a brisé le cœur, de même que la relation "amie-amour malgré la peur" qu'entretiennent les deux jeunes filles, conclue par la terrible phrase
"Tu me manques, Lucie" d'Anna à son fantôme regretté
, un appel du cœur dans le vide qui a - encore - brisé le nôtre). On ne s'attendait pas à trouver de l'émotion dans pareil film, ce qui nous l'a fait apprécier, contre tout préjugé subjectif. En revanche, on ne peut s'empêcher de penser qu'en mettant moins de "grands officiants religieux" en figures de tortionnaires, Pascal Laugier aurait davantage créé une pratique marginale (une organisation religieuse de quelques timbrés qui s'en prennent à la Vie avec un grand "V") que ce qui ressemble à une critique acerbe des religions. Cette maladresse finale est bien dommage, car on croisait jusque-là des thèmes religieux qui approfondissaient le propos du film (la figure de la Pietà est magnifique, l'opposition du couvent qui essaie de sauver Lucie et l'apparition du "démon-conscience" qui essaie de la détruire, l'exploration du sujet originel des martyrs - que l'on connaît finalement assez peu en-dehors de leur connotation de terrorisme actuel -...). On est bien content d'avoir tenté la séance de Martyrs, car on a apprécié le "peu" d'étalage de sang et barbaque (subjectivement les Saw nous dégouttent bien plus, visuellement, avec leur boucherie puérile) au profit d'une violence psychologique, suggérée, teintée de tristesse et d'émotion (ce qu'on n'attendait pas, chapeau), avec une mise en scène soignée, des trucages à l'ancienne très beaux, et une Morjana Alaoui bouleversante.