Film controversé qui a divisé la critique, les spectateurs, et n'a pas manqué de faire monter au créneau quelque représentants d'institutions morales (ou moralisantes).
Pour ma part, mon entrée en matière pourrait inclure de mentionner quelques unes de mes réactions successives, au cours de la vision, qui peuvent refléter ce que le film renvoie volontairement ou non au spectateur. Sûrement, celui-ci reconnaîtra plusieurs passages du film :
"Poussif ? Aïe, poussif."
"L'horreur..."
"De l'auto-justice, mince, c'est facile les films avec de l'auto-justice"
"Ah, finalement c'est intéressant"
"Bon, il y a des skin en chirurgie ?"
"Non, dans la boucherie, peut-être"
'Bon, j'espère que ce n'est pas encore un coup de realisateur pervers qui veut faire avaler des trucs existentiels fumeux (tout en se payant la dignité d'un personnage féminin)"
"FIN ... Ah, donc le fin mot de l'histoire suscite chez l'antagoniste une réaction ultime d'égoïsme ?"
Cette fin était pour moi le plus gros défaut du film, jusqu'à ce que je l'interprète sous un autre angle, tenant compte aussi de ce que nous laisse comme informations le générique de fin :
"Ah mais non ! L'antagoniste ne gagne rien du tout sinon une vérité inavouable pour elle et ses pairs. D'où sa réaction. Selon cette interprétation, on peut même dire qu'elle a été vaincue par cette vérité. C'est une fin aussi inattendue qu'originale, presque drôle en fait"
Il me faut donc reconnaître les grandes qualités de ce long-métrage. Loin de la primarité des codes du genre auxquels on nous a habitué. On pourrait même dire que l'unique jumpscare au début du film, transformant ce qui ressemble à un début de scène de poursuite effrayante en une scène de jeu entre frère et soeur, nous avertit du rejet de ces codes et nous invite à nous méfier de nos à priori. Car, dès lors, tous les pronostiques sur le déroulement et même la nature de la trame vont être plusieurs fois bousculés. De film de fantôme on passe à film d'horreur psychologique réaliste, à un début de slasher encore une fois abandonné, pour entrer douloureusement dans un Saw très cru mais à la réalisation dosée (même si ce qui se passe dans le film est insoutenable, je ne me souviens pas de moments de voyeurisme malsain ni d'esthétisation appuyée de la violence, non plus d'une quelconque emphase avec la subjectivité des auteurs de cette violence puisqu'ils étaient souvent filmés de dos ou de loin voire avec des hors champs relatifs). Non, vraiment, le propos doit se situer ailleurs.
Cette réalisation intelligente nous implique non pas dans un manège de frissons sans autre but que de nous faire peur ni dans un sadisme cathartique, mais nous place dans une position où l'on est capable d'éprouver de la compassion pour les victimes et sûrement aussi de la colère (un peu comme dans Game of Throne mais plus purement). Et la persistance, aspect le plus rebutant du film, qui a selon l'antagoniste pour unique but de voir ce qui se trouve au delà de tout désespoir, a comme un effet inattendu qui se retourne contre lui, contre sa conception du monde, de la vie, de l'amour. Il ne peut donc l'annoncer publiquement.
Vraiment, toute la violence atroce et la réalisation sont au service du propos, jusqu'à la réplique finale du film, et ça c'est signe de qualité.
La violence décrite empreinte à des pratiques peu glorieuses des temps présents ou passés, en Europe ou ailleurs (il n'y a pas de localisation géographique, ce qui casserait l'ambition manifeste du scénario) mais se déroule toujours dans un cadre qui évoque la verticalité des relations (sous-sols de maison ou industrie).
Et ce que porte comme vêtements ou prononce comme discours l'antagoniste peut évoquer plusieurs croyances, religions organisées ou non, et des spiritualités. Il faut donc penser au delà des formes culturelles précises que peut prendre cette violence et essayer de songer plutôt à son essence. Cela rejoint l'intention affichée par le réalisateur de recourir à de la métaphore.
Je fais partie de ces spectateurs qui n'ont pas apprécié ce qui leur a été donné de voir (dans la dernière partie du film, notamment) mais qui ont apprécié ce qu'ils ont compris du sous texte et la façon de nous l'amener.
Il paraît difficile d'avoir une oeuvre de cinéma de genre aussi intense et brutale qui traite de l'amour entre deux personnages, de façon aussi percutante, même si la fin peut avoir l'air banalement ouverte sur le moment, et qui forcerait les fanatiques du monde entier à rester dans le déni.
3 étoiles pour la réalisation et la mise en scène, 3 pour l'originalité dans la manière d'aborder le thème, 2 pour le jeu d'acteurs. 8/10.