« Traumatisme » semble être le mot idéal pour intituler cette critique ! Tout d'abord (attention, petit spoiler inévitable), il s'agit de l'une des thématiques du film puisque l'un des personnages est suite à des actes de cruauté qu'il a subi, traumatisé au point d'avoir des pulsions de vengeance, de se faire du mal à lui-même et de vivre dans la crainte et la culpabilité face aux fantômes de son passé. D'autre part, le film en lui-même peut s’avérer être un traumatisme pour le spectateur qui se retrouve témoin d'un spectacle particulièrement violent et malsain, avec de surcroît des scènes très graphiques quasiment insoutenables. Mais Martyrs n'est-il qu'un film fait pour choquer ou y a t-il quelque chose de plus approfondi derrière ?
Attention, cette critique comporte de nombreux spoilers...
Comme beaucoup, je pense que Martyrs est divisé en deux parties ; et la première partie est vraiment prenante ! Elle commence logiquement à partir du début du film pour se conclure lorsque Anna est capturée. Ce qu'il y a de plus déstabilisant avec ce bout de film, c'est qu'il se joue des spectateurs au sens on ne sait pas à quoi on a affaire : un revenge movie sanglant ? un film paranormal ? un thriller psychologique gore ? un mixte des trois ? on a du mal à savoir ! En tout cas l'ambiance est très intéressante avec ses scènes qui annoncent tout de suite la couleur (rouge) ; on assiste ainsi à des assassinats à la fois très dramatiques et hyper intenses en terme de violence. Cette atmosphère particulière est accompagnée d'un scénario riche en rebondissements avec les victimes qui sont en réalités des monstres, le fantôme qui n'existe pas, le fille dans le sous-sol. La plupart de ces révélations sont méga prévisibles mais font prendre à l'histoire des directions assez intéressantes (par exemple la mort de l'un des deux personnages principaux alors que le milieu du film n'a même pas été atteint). La prestation complètement folle de Mylène Jampanoï est quant à elle vraiment très bonne !
La seconde partie est par contre un peu décevante. Elle commence à partir du moment où Anna est capturée, jusqu'à la conclusion du film. Bon déjà côté scénario, il y a de l'idée : une société secrète qui torture des femmes jusqu'à ce qu'elles se retrouvent dans un état proche de la mort afin de savoir ce qui s'y trouve après. C'est le rebondissement le pus surprenant du film ! Le concept avec des filles qui n'acceptent pas la torture et tombent dans la folie tandis que d'autres l'acceptent et se transcendent... C'est très original aussi ! Il faut noter qu'un film d'horreur classique aurait proposé une ambiance slasher en mode cache-cache dans les sous-sols de la maison avec à la fin la scream queen qui triomphe de ses tortionnaires. Malheureusement, à part le monologue de Mademoiselle, cette seconde partie c'est au final de la torture, de la torture, de la torture et encore de la torture, puis une fin facilement expédiée. Certes les scènes de tortures sont nécessaires par rapport au concept mais le réalisateur aurait pu nous proposer autre chose qu'un simple menu gore. Le personnage d'Anna est juste là pour se faire torturer et manque donc de développement, le concept manque d'approfondissement et il y a un manque d'explication sur la finalité réelle de l'expérience (une finalité personnelle pour découvrir si la vie est plus cool de l'autre côté ? une finalité scientifique pour étudier l'au-delà ? une finalité religieuse pour déterminer s'il faut croire ou non en Dieu en constatant l'absence ou la présence de l'enfer et du paradis ?), ce sont là les faiblesses du scénario. Concernant l'ambiance, c'est moins flippant que pour la première partie (dû à la suppression des passages paranormaux avec le fantôme qui en fait n'existait que dans la tête de Lucie) mais c'est plus choquant puisqu' il y a un schéma crescendo dans les scènes de torture étant donné qu'elles sont de plus en plus violentes au fur et à mesure du long métrage. C'est d'autant plus déstabilisant que les tortures sont à la fois physiques (coups, gifles, écorchement suivie d'une exposition à des lampes chauffantes) et psychologiques (enfermement, privation d'hygiène, gavage, cheveux coupés), il y a une deshumanisation du personnage principal. La dernière scène de torture dont j'ai déjà parlé entre parenthèse est l'une des plus gore de l'histoire du cinéma d'horreur, sans doute à cause de son réalisme ! Il y a une chose qui rend l'atmosphère encore plus gênante, c'est le montage du film qui est vraiment, vraiment pesant (peut être même trop) en laissant sous entendre que le calvaire d'Anna dure des jours si ce n'est des semaines sans jamais s'arrêter. La musique se fait beaucoup plus discrète que dans la première partie, ça joue aussi un rôle de l'ambiance, lorsque Anna se retrouve seule avec ses tortionnaires. J'ajouterais que la prestation de Morjana Alaoui est superbe et que du fait que l'on se soit facilement attaché à son personnage, les supplices sont encore plus difficiles à regarder.
Avec ses scènes très gores et dérangeantes, Martyrs est un film psychologiquement éprouvant pour le spectateur ! Mais à l'image des premiers Saw, le long-métrage n'est pas qu'un simple torture porn puisque sa violence s'accompagne d'une ambiance maîtrisée et d'idées originales mais qui auraient pu être plus marquantes si le scénario avait été d'avantage développé. En effet Martyrs n'est pas qu'un film fait que pour traumatiser, mais les successions de scènes violentes viennent clairement combler un certain vide scénaristique durant la seconde partie du film ; ainsi les innovations par rapport aux autres films d'horreur ont une efficacité limitée.