Mary
5.3
Mary

Film de Alfred Hitchcock (1931)

Au début du parlant, les techniques de doublage n'étant pas encore au point, les studios étaient obligés de tourner des versions multilingues pour pouvoir toucher les autres pays : même histoire, même décor, même costume, même éclairage, même mise en scène mais chaque fois avec des acteurs différents tournant dans leur langue natale. Mary est donc la version allemande de Meurtre.


Autant dire qu'il n'est pas intéressant si l'on a déjà vu Meurtre - les acteurs allemands n'apportent pas ici une valeur ajoutée significative par rapport à leurs homologue anglais. N'ayant pas vu depuis longtemps Meurtre, je me rabats donc sur Mary - l'exotisme en plus (un Hitchcock allemand pourquoi pas ?). Ce film de jeunesse avec ses travers (une fin pour le moins baclée, une histoire policière un peu légère) porte en lui de plusieurs thèmes que l'on retrouvera plus tard dans des oeuvres plus essentielles : le meurtre évidemment l'alpha et l'omega du film hitchcockien mais aussi le faux coupable ou le procès. Mary pourrait ressembler à un who-done-it (dont le maitre sera finalement peu friand) si les suspects possibles ne se réduisaient pas rapidement à deux seuls noms. L'essentiel est ailleurs, notamment dans le jeu de miroir que le cinéaste dresse entre la fiction et la réalité (le meurtre a lieu dans le monde des comédiens, ce n'est pas un hasard) : la salle de délibération - annonçant Justice est faite par exemple - est finalement perçue comme une pièce de théâtre qui aboutit à une vraie sentence de mort (le rideau de la salle de théâtre s'ouvre finalement sur la prison où est détenue Mary). Comme le dit, Sir John, comédien et auteur de théâtre, qui s'est laissé abuser dans son jugement par ce décorum factice (qui aboutit lui à une affreuse réalité), "seul l'art pourra supplanter cette erreur judiciaire". Ainsi, Si John confond le coupable en lui faisant jouer une scène de la (fausse) pièce qu'il a écrite, celle du meurtre lui-même. Par le biais du théâtre, Sir John demande à l'assassin d'écrire la fin de la scène et donc de décrire son meurtre. L'art permet ainsi de sublimer la réalité et lui apporte sa conclusion définitive. Découvert, acculé, le coupable mettra en scène son propre suicide lors de son numéro de trapèze volant devant des spectateurs médusés. La mort comme spectacle (avec le suspense qui va avec), presque un résumé possible du cinéma d'Hitchcock.

denizor
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le 3 juin 2018

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