Tel Rob Zombie sur Halloween, Marcus Nispel a risqué vraiment sa réputation de réalisateur en mettant en scène le remake d’un film aussi culte que Massacre à la tronçonneuse (jamais détrôné sur l’autel du malsain depuis 1974). Et à la sortie, surprise, les avis sont plutôt soulagés. Autant l’avouer, ce remake, c’est mon initiation à la saga, bien que je connaissais déjà l’existence de l’original à l’époque. Et pour ce que j’en ai vu, le spectacle était plutôt convaincant. Avec du recul, certes, on avoue qu’il n’y a pas de surprises, malgré les ajustements et les quelques détails modifiés par Marcus. Et on relèvera un ton sépia de l’image sensé signifier un retour aux seventies. Si le générique d’ouverture n’est pas si mal (normal, il repompe Hooper en moins bien), le voyage en van place plutôt dans l’ambiance une fois l’autostoppeuse raide morte, un travelling joliment efficace nous replongeant instantanément dans l’ambiance un peu poisseuse de l’original. Ce qui est décevant avec ce remake, c’est que les personnages autres que Leatherface ont été assez aseptisés. En dehors d’un R. Lee Ermey cabotin qui n’a plus grand-chose à voir avec Chop Top, personne ne sort du lot dans le registre folie, Leatherface étant un cas à part. Ce qui est intéressant d’un point de vue atmosphère, c’est que comme son prédécesseur, le film penche pour du malsain crade au lieu de chercher dans le gore. Il en profite aussi pour changer son ambiance, abandonnant parfois la crasse du récit pour se donner des envolées de contes, où nos adolescents seraient des enfants pourchassés par un méchant ogre tout droit sorti de nos cauchemars (le plus représentatif étant cette séquence dans un corridor souterrain). Certes, le film perd de son impact à cause de son format, sacrifiant au spectacle toute notion d’impact ou de surprise (pour moi qui ignorait tout des massacres à la tronçonneuse, j’ai repéré immédiatement qui allait trahir les jeunes adultes, c'est-à-dire à peu près tout le monde). L’absurde cher à Hooper est totalement éjecté du récit, désormais conforme aux critères de qualité de la décennie 2000. Mais Leatherface n’est pas salopé. Si il n’a plus aucune dimension absurde, il gagne beaucoup en carrure bestiale, et passé sa première apparition un peu ratée (en tout cas moins surprenante que dans l’original, où on ne connaissait pas encore le personnage), il endosse une stature de boucher convaincante, résultat de nombreuses années passées en abattoir. Ses manies de boucher, sa force physique impressionnante et son masque rénové en cours de film impressionnent une fois à l’écran, le personnage étant parfaitement convaincant sur le plan de la performance physique pure. Son passé est lui aussi plutôt bien exposé, son amour des masques étant ici brièvement expliqué par un problème de peau, et son passé étant dévoilé par la traque dans l’ancien abattoir. En bref, si on se fend d’une fin archi classique et d’une mutilation inattendue et impressionnante de notre géant, Massacre à la Tronçonneuse, second du nom, est un remake convaincant sur le plan du survival pur, mais considérablement amoindri par son statut de remake fidèle, qui ne dépasse pas son modèle au delà des séquences trash où on filme un cadavre. Aseptisé par une époque, esthétiquement autant que thématiquement (la folie y est moins éclatante, plus légère aussi via l'humour revendiqué), le film réserve cependant quelques séquences convaincantes, mais restera toujours une dynamisation formelle de l’œuvre, plus qu’une relecture. Cependant, son ambition à ne jamais vouloir céder aux facilités (le torture porn n’est pas encore arrivé) en fait un remake plus attachant que la moyenne, et finalement, un moment sympathique pour l’amateur d’horreur désincarnée, mais honnête dans les intentions.