Il faut parfois savoir reconnaître le boulot bien fait. Surtout s'il est fait par un collègue. Ce Massacre à la Tronçonneuse, version 2003, en fait à l'évidence partie.


Malgré le fait de passer à la moulinette un classique indémodable. Malgré le fait que Michael Bay l'antéchrist tourne la manivelle. Malgré un clippeur improvisé réalisateur en la personne de Marcus Nispel. Malgré cette vague de remake initiée par des producteurs peu scrupuleux et peu imaginatifs, dans une démarche aux allures de sacrilège.


L'ensemble de ces "malgré" concentrait les critiques de l'époque. Encore aujourd'hui, à vrai dire. Sauf qu'il n'est pas interdit de penser que ce nouveau Massacre à la Tronçonneuse constitue peut être la réussite la plus éclatante d'un genre qui balbutiait.


Oui, il restera cependant inférieur à son modèle, celui dont l'aura de culte, de pestilence et d'extrême ne s'éteindra sans doute jamais. Il ne parlera pas plus de son époque, celle de la fin du mouvement hippie, de cette crise économique et des territoires abandonnés.


Mais bon dieu, quel spectacle, quand même !


Si le nouveau film reprend nombre de passages de son aîné, lui fait de multiples clins d'oeil et en émule les éléments les plus reconnaissables, il s'en démarque aussi, mais pas trop. En convoquant Daniel C. Pearl, par exemple, Platinum Dunes cherche la caution, la filiation immédiate avec le culte. Mais autant l'original transpirait la crasse, la chaleur insoutenable et l'odeur âcre de la viande avariée, le nouveau né tend vers autre chose. De moins brut, de moins séminal. Une photo des plus léchée, accentuant les jeux de lumière afin de susciter la tension relative à certains lieux ou des monstres peuplant le film.


La direction artistique, elle, évolue en terrain connu, brassant le bizarre avec une certaine forme de dégoût, en version un peu plus light. Mais, étrangement, tout aussi efficace.


Alors que Tobe Hooper misait sur un certain naturalisme en forme de reportage, Marcus Nispel enquille quant à lui les scènes spectaculaires et choc. S'il faudra donc faire le deuil de l'incroyable pouvoir de suggestion qui avait cours dans les années 70, les années 2000 visent à faire vivre l'horreur dans toute sa répulsion graphique, visant à la sidération et saignant un réalisme cru bien qu'un peu plus fugace que dans les souvenirs d'après projection de l'époque.


Mais alors que toutes ses différences apparaîtront comme des mauvais points aux yeux de certains, à la décapitation d'un genre se vautrant dans la fange pour d'autres, Massacre à la Tronçonneuse version 2003 réussit, de manière quasi miraculeuse, à conserver le trouble et le malaise de cette plongée sans retour dans une sorte de cauchemar éveillé, dans les méandres de la folie d'une famille autarcique et d'une monstruosité suscitant une fascination des plus malsaines.


Des monstres comme Leatherface, qui conserve quasi intacte son aura mythique, l'idée de menace qu'il représente instantanément, ainsi qu'une certaine forme de pathétique. Ou comme Hoyt, auquel le fabuleux et tordu R. Lee Ermey prête son charisme et sa part de folie, idée du mal dont les yeux extraordinairement noirs suffisent à garantir des sommets de tension quand il se confrontent à ce groupe de jeune destiné à finir en chair à canon.


C'est en cela que réside sans doute tout le prix et l'attrait de ce nouveau Massacre à la Tronçonneuse. Tendu, graphique, hargneux, malsain, spectaculaire, il demeure toujours aussi efficace malgré le temps qui passe, malgré la critique qui n'a toujours pas digéré que l'on puisse toucher de la sorte à un classique. Malgré le Bay sanglant qui se cache derrière l'entreprise de démolition.


La mort annoncée de Leatherface aura donc bien été différée de quelques années.


Behind_the_Mask, qui est étonné de ne pas avoir parlé du débardeur de Jessica (c'est qu'il était beau, le débardeur de Jessica...)

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le 7 mars 2018

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