Bienvenue dans cette petite communauté rurale du Texas, une famille locale qui vous place au centre du menu. C'est avant tout un film d'horreur au un budget minuscule vous invitant à un voyage au coeur de la folie. Comme quoi la mauvaise utilisation d'outils de jardinage peut vous donner des cauchemars pour toute une vie.
Attention, cette critique contient un bon paquet de SPOILERS.
Dans l'étouffante chaleur texane, Sally Hardesty, son frère Franklin et leurs amis se rendent sur la tombe de leur grand père qui selon certaines informations aurait été profanée. Après leur visite, il prennent un auto-stoppeur, au premier abord ayant l'air un simplet et qui se révèle être un dangereux cinglé. Presque à sec et ne trouvant pas d'essence aux alentours, ils vont devoir se séparer et partir à la recherche d'une âme charitable pouvant les dépanner. Kirk entre alors dans une maison au décor macabre et se rend très vite compte (mais trop tard) que leur occupants sont des détraqués meurtriers. Les membres du groupe se font alors violemment supprimer les uns après les autres.
Pour l'unique survivante, la nuit ne fait que commencer...
Le film n'est pas une "Video Nasty" au sens strict, mais a le même genre de réputation que les "I Spit on Your Grave" ou "Evil Dead". Le titre distinctif "Massacre à la Tronçonneuse" a un gout d'interdit, un plaisir coupable. Malgré les remakes, préquelles et suites à la con (dont aucune n'arrive au niveau de l'original), il y a toujours eu un lot de mythes associés au titre notamment grâce au fait que les acteurs n'ont jamais été revu après.
Le discours d'introduction est un "attention, ce qui va suivre a vraiment eu lieu", ensuite une série d'images de corps en décomposition prises à la lumière du flash, le tout se terminant sur ce qui semble être une sorte oeuvre d'art macabre. Viennent immédiatement les lignes de générique sur ce qui semble être des éruptions solaires. Le soleil, la lune et plusieurs référence à l'astrologie pendant le film nous suggèrent que quelque chose de plus grand, de plus important que cette humanité brisée est en train de se passer, parallèlement aux évènements montrant la folie, c'est la nature en entier, l'univers qui semble être détraqué.
Dès la rencontre avec les premiers êtres vivants, on se rend compte que le voyage ne sera pas aisé. Franklin dans le van, dans son fauteuil roulant, le clodo se roulant sur le sol, c'est un monde d'inconfort. Tout est fait pour nous dire que nous mettons les pieds dans l'incommodité et le malaise. Les plans sont serrés, déstabilisants, particulièrement ceux de l'intérieur du van ou toute perspective est bloquée.
Les contrastes sont mis en valeur dans le plan de l’auto-stoppeur, on passe à un plan extrêmement large du van, la caméra est pour une fois statique, la vue, très éloignée. L'endroit est lointain, les gens ici sont tout petits, presque perdus dans tout cet espace vide. C'est un plan emblématique du film car malgré cet immense espace texan, on se sent pris au piège, dans une ambiance étouffante, complètement isolée.
Et puis il y a la chaleur !
Le truc avec les films d'horreur contemporains, c'est qu'ils ont tendance, au lieu d'utiliser une colorimétrie normale d'insister lourdement sur les tons bleus et les verts, ça donne l'impression que l'atmosphère du film est froide et sale. On retrouve ce truc partout, comme si c'était un avertissement visuel de "l'horreur" ces temps ci. Caler son image sur des couleurs d'égout n'a rien de très horrifique, si ?
Massacre à la Tronçonneuse utilise une palette de couleurs très riches, même dans les scènes sombres, les couleurs sont vives presque à la manière d'un comics et on a toujours l'impression qu'il fait une chaleur insupportable. Cette atmosphère de cocotte-minute est renforcée par des couches et des couches de plans serrés, claustros, des couleurs, des décors et surtout le sentiment d'isolement lorsque Sally est à table.
Ce qui fait de Massacre à la Tronçonneuse un film efficace n'est clairement pas l'histoire, l'intrigue est presque inexistante même selon les standards du film d'horreur. Les protagonistes ont une bonne raison d'être là et ils vont se faire tuer de la manière la plus vicieuse qui soit. Il y a une critique de la société ici, sous la forme d'une métaphore. Les gamins qui se rendent dans cette maison, sont menés à la famille comme du bétail à l'abattoir . La baraque elle même ressemble à un équarrissoir avec les rampes, les portes en métal, les crocs de boucher et cette cuisine... cette cuisine dont la seule fonction est d'écorcher, mutiler ceux qu'on y mène.
La famille ne voit en ses victimes rien de plus que de la viande, ce sont des parfaits carnivores sans considération d'une quelconque société. Pour eux l'humain n'est qu'une commodité, un objet pour jouer et se nourrir. L'aboutissement de la société consommation somme toute.
Ce dont traite Massacre à la tronçonneuse (à l'instar des suites qui lui pissent royalement dessus), se réduit à des situations, des impressions sur cet endroit ou règne la folie la plus violente. L'absence de prétexte, de mobile, nous expose une dimension déconcertante sur les évènements. Il n'y a pas de raison pour expliquer ce qui se passe ici... si l'on compare ce film à tout autre slasher conventionnel de la même époque ; Vendredi 13, Halloween ou n'importe quel autre de leurs ersatz. La motivation du tueur devient toujours à un moment ou à un autre quelque chose d'encombrant et de généralement frivole. C'est presque toujours le fait que le tueur ait été traumatisé par la vue d'une scène de sexe trop jeune. Il projette alors cette négligence sur de complets étrangers et c'est une sorte de justice à contre-pied qu'il sent obligé de rendre, cela perd son sens lorsque la durée du film (ou de la série) devient absurde.
Pourquoi la famille agit de la sorte ? Bah c'est ce qu'il font et ils ont toujours fait ça, il n'y a pas de frontière sociale au delà de leur petit groupe. Tout ce qui se trouve au dehors est au mieux du bétail et ces gars là aiment jouer avec la bouffe. Ça fait peur. Pas moyen de raisonner, d'expliquer, de bien, de mal, les victimes sont juste des proies sans défense.
Voilà pourquoi probablement les suites n'ont jamais eu l'impact du film original, ici les motivations de la famille sont tellement réduites qu'il est impossible de prendre de la distance en gardant le film intéressant. Plus on apporte d'éléments explicatifs moins ça fait peur.
Le film enchaîne des scènes pour nous amener au coeur de la folie primale de la famille.
Le premier meurtre est choquant dans sa brutalité, pourtant il ne dure qu'un instant très bref. Pam suspendue à son croc de boucher présente les talents du monteur dans une succession de plans, d'angles de caméra atypiques, rythmés par un soigneux découpage.
La scène du dîner nous offre quant à elle une surabondance sensorielle. On est bombardé de micro cuts en gros plan, la musique est super abstraite, couverte en partie par les cris de Sally, eux même ponctués des railleries des bourreaux ; c'est tout simplement exténuant, on a l'impression que ça ne s’arrête jamais.
La bande son, la "musique" du film est également assez singulière, oppressante, comme si elle bloquait tout ce qui peut se trouver autour. Des instruments à cordes et des percussions sans rythme, on ne peut pas ne pas en parler. Le son caractéristique de la première scène à d'ailleurs été repris dans les suites.
Un autre élément qui semble avoir contribué à l'ambiance du film est le calvaire qu'a connu l'équipe pendant les 4 semaines de tournage sous un soleil brûlant.
C'est un film à l'ambiance moite, sale et menaçante. Les fans de gore seront déçus car il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent pour eux.