The Matrix has you...

À l'annonce d'un nouveau film MATRIX, tout le monde regardait plus ou moins d'un mauvais œil le retour de cette saga marquante à plus d'un titre - qu'on l'apprécie ou non d'ailleurs. Aucune des Wachowski n'était d'ailleurs liée au projet jusqu'à que Lana, seule, décide d'en être.

Au début du long-métrage, Lana Wachowski nous pose une question tout à fait légitime et qu'elle s'est, sans aucun doute, posé elle-même dans son processus créatif : "Pourquoi faire du neuf avec du vieux code ?" A la toute fin du générique, une dédicace qui fend le cœur : "For mom and dad. Love is the genesis of everything." Deux phrases comme cadres du récit et résumés des intentions de sa réalisatrice. Les Wachowski, donc Lana, ont toujours eu la malice de subvertir les attentes des spectateurs, aussi, RELOADED et REVOLUTIONS ont-ils été accueillis froidement. Il en est de même avec RESSURECTIONS, voire même davantage étant donné l'évolution de la carrière des Wachowski et leur soif de liberté artistique toujours plus poussée. En conséquence, il ne s'agit pas d'un retour forcé dans cet univers. En tout cas, pas pour Wachowski. On ne pourra dès lors pas enlever à ce nouveau MATRIX de réels propos, véritables moteurs de l'ensemble du long-métrage.

Un premier mouvement émerge donc de ces notes d'intention. MATRIX RESSURECTIONS est un film sur MATRIX et le rapport que nous avons avec. La saga aura été au cours des deux dernières décennies complétement décortiquée. Les exégètes ont quasiment pris possession de l'œuvre des Wachowski pour en faire diverses interprétations reflétant ou non les pensées des cinéastes. Pourquoi y revenir si tout a été dit ? Le monde depuis le premier MATRIX a évolué, et tout particulièrement celui cinématographique. Alors qu'il avait engendré une révolution dans le blockbuster que les deux suites ont continué d'effectuer tant visuellement que thématiques, le fait est qu'il n'a jamais été aussi pauvre que maintenant. RESSURECTIONS se refuse alors d'être ce genre de film, anecdotique et nostalgique, devenu un nouveau système de contrôle. Wachowski reprend les rênes de son œuvre pour nous montrer que MATRIX n'a pas à être ce que nous voulons qu'il soit tant d'un point de vue esthétique que narratif. Elle nous montre plutôt qu'une œuvre appartient intrinsèquement à son auteur. En découle une première partie, comme un autoportrait, où l'ironie caustique de Wachowski dézingue l'industrie et tente de réveiller le spectateur. Le film joue alors avec nos nerfs et à la réalisatrice de nous proposer une nouvelle expérience.

Nous passons alors de manière extrêmement logique à un deuxième mouvement. Au travers d'un scénario malin et fourmillant de détail, la problématique nous a été posée. Il est maintenant temps d'agir. C'est MATRIX, soit de l'action dira-t-on ; il doit en être ainsi. Eh bien non. Wachowski offre du changement. Neo n'est qu'un pion comme nous le rappel si bien la première partie et comme le souligne la suite des évènements qui recentre les enjeux autour du cœur de la saga : l'amour. L'action est toujours présente, et excitante qui plus est, mais elle s'avère en retrait pour rappeler que la révolution ayant été infructueuse, elle ne peut passer que par l'amour et la connexion. Wachowski retourne alors les attentes (le bullet-time, l'action fantasmagorique) pour proposer un drame romantique d'une puissance formelle et émotionnelle dévastatrice. Le long-métrage se comprend alors émotionnellement puisqu'il est fait par amour (pour ses parents, pour Neo et Trinity) et pour l'amour. La grandeur du film se trouve là, tout simplement.

MATRIXRESSURECTIONS est tout autant un miroir qu'un prolongement de la trilogie originelle. Ce retour dans la matrice n'est rien d'autre qu'un tour de force positif et pertinent tant pour faire le constat du cinéma de divertissement actuel que pour démontrer avec passion le pouvoir de l'amour.