Même si Matrix resurrections fait apparemment partie d'une réelle envie de Lana Wachowski de retrouver Neo et Trinity, il faut dire aussi qu'elle (et sa soeur) ont eu plusieurs échecs commerciaux comme Speed Racer, Cloud Atlas ou Jupiter Ascending, sans compter l'annulation de la série Sense 8 promise à se développer et qui a eu les ailes coupées. Donc, je vois aussi dans ce quatrième volet de Matrix, aussi improbable soit-il, une volonté de revenir à un succès espéré, auquel cas sa carrière pourrait bien s'arrêter ou se relancer.
Dans ce nouveau film, qui prend place dix-huit ans après Revolutions, mais qui se passe en fait 60 ans plus tard, Thomas Anderson est cette fois créateur de jeux vidéos, et voit un psy qui lui procure des pilules bleues. Jusqu'à la rencontre avec un nouveau Morpheus plus jeune, et l'espoir de voir à nouveau Trinity. Difficile de vraiment parler du film sans révéler les tenants et aboutissants, mais tout d'abord, je suis même surpris que Warner ait pu donner carte blanche à un tel projet de par sa nature méta, car non seulement le studio, mais le rôle même des trilogies (ici, ce sont des jeux vidéo, mais il n'est pas compliqué de faire un lien avec le film présent) ainsi que d'un improbable quatrième épisode est dit, comme pour expliquer au spectateur ce qu'il va voir alors qu'il pensait que tout était fini. Tout est comme ça dans le film, qui est au fond une redite non seulement de la trilogie Matrix mais aussi, et c'est plus surprenant, de l’œuvre entière des Wachowski. Lana a recruté des techniciens ayant travaillé avec elle dans le passé (Tom Tykwer à la musique), mais aussi des acteurs et actrices, dont quatre de la série Sense 8, ou Christina Ricci, et d'autres dont je laisse la surprise. Le duo iconique formé par Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss est toujours là, l'alchimie fonctionne, mais tout ne marche pas bien, comme Yahya Abdul-Mateen II, incarnant le jeune Morpheus, qui en fait vraiment trop. Quant aux scènes de combat, Yuen Woo-Ping n'est plus là, et ça se ressent tant ceux-ci paraissent mous...
Malgré sa durée excessive et ces tunnels de dialogue, j'avoue avoir bien accroché au film, plus malin qu'il n'y parait et qui semble assumer être un numéro 4 en faisant un copier-coller en particulier de Matrix tant certaines scènes sont reprises à l'identique. Lana Wachowski joue ici un jeu dangereux, qui risque fort de déstabiliser un public qui ne connait rien à cet univers, dont il est vivement recommandé de voir la trilogie auparavant tant les références sont nombreuses, mais c'est aussi et avant tout un film sur l'amour, qui nous dépasse et nous permet d'accomplir l'impossible. C'est un peu le mantra de la réalisatrice, qui a dédié le film à ses parents.
Y aura-t-il un cinquième volet ? Difficile à dire tant tout semble déjà avoir été dit, mais si c'est un saut de l'ange en guise de fin de carrière, Lana Wachowski a réussi son acte (in)conscient de suicide artistique. Car là, je ne vois pas ce qu'elle pourrait faire d'autre...